La carte qui fâche

juin 2004

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Dans l’édition marseillaise de « 20 minutes », le 26 mai, le préfet de région lançait une menace : « au besoin, on mettra les maires devant leurs responsabilités en publiant les chiffres pour souligner qui fait du logement social ». C’est chose faite avec le Ravi, qui n’a pourtant pas l’habitude de se faire la voix des institutions. Mais il faut reconnaître que la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU), votée par le gouvernement Jospin, a le mérite d’être claire et facile à comprendre : 20 % des résidences principales d’une commune doivent être des logements sociaux. Faute de quoi, les moyennes et grandes communes (plus de 3 500 habitants et situées au sein d’une agglomération) doivent payer une amende de l’ordre de 150 ? par an et par logement manquant.

Cette mesure incitative n’a cependant pas encore eu les effets escomptés. Les taux de logement social sont toujours très bas. Les services de l’Etat se désespèrent d’une situation de pénurie, où le taux moyen régional n’atteint pas les 14 %. La pénurie est assez contrastée : les grandes communes qui disposent directement de leur office HLM ont construit du logement social dans les années 60 et 70. De ce fait, elles présentent des taux assez satisfaisants, notamment dans les Bouches du Rhône. Mais ces communes estiment aujourd’hui qu’elles ont assez donné, et laissent le soin de construire aux autres. Or c’est là que le bât blesse : sur la bande côtière urbanisée, dans le Var et les Alpes Maritimes, les communes n’ont absolument pas l’intention de construire. En dehors de La Garde et La Seyne sur Mer, en banlieue de Toulon, la plupart des communes ont peu de logements sociaux et disposent des ressources fiscales nécessaires pour payer le prélèvement à l’Etat.

Cette stratégie des communes relève pour un responsable du Ministère de l’Equipement de « l’hypocrisie provençale ». « Les élus invoquent l’image négative du logement social, mais elle est surtout négative pour eux. En fait, les collectivités réussissent les projets quand elles le veulent. S’il n’y a pas de construction, c’est qu’il n’y a pas de volonté politique. On le voit au rythme d’élaboration des PLH (Programme local de l’habitat) : ça n’avance pas ». Dans ce contexte, les objectifs que fixe l’Etat ne se réalisent à peu près jamais. Il faudrait un rythme de 4 500 à 5 000 nouveaux logements par an, et on en réalise à peine 3 000 aujourd’hui. Le préfet de région, Christian Frémont, a pris les devants pour 2004. Le Ministère lui avait fixé un objectif de 3 600 logements : le préfet l’a ramené lui-même à 2 900 logements. Et encore, ajoute-t-il, fataliste : «il est à noter que ces prévisions de début d’année sont de façon générale relativement optimistes ».

Etienne Ballan

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