Vitrolles, conseil municipal du 21 janvier 2008

janvier 2008

18h41 Appuyé sur une canne, « Louis XIV », surnom de Guy Obino, maire PS qui a repris aux Mégret Vitrolles, fait son entrée dans un château plutôt délabré : la salle des fêtes, qui accueille le conseil municipal pendant les travaux de rénovation de l’hôtel de ville, a des airs de bâtiment officiel est-allemand à la chute du mur de Berlin. Tenue d’ancien combattant (pantalon gris, blazer et cravate marine rayée vert et rouge), raide comme la justice, le conseiller général et vice-président de la Communauté du Pays d’Aix (CPA) tient également de Charlton Heston.

18h44 Guy Obino tapote sur son micro. Les discussions cessent d’un coup. Depuis l’invalidation de Catherine Mégret, pour détournement de fonds publics, les rats ont quitté le navire : seuls trois conseillers MNR sont présents pour le dernier conseil de la mandature. 08rv49lop_obino.jpg 18h46 Alain Césari, tête de file des mégrétistes, installé face au maire façon tribunal populaire, demande la parole. « J’aurais souhaité une minute de silence en hommage à une personne enterrée samedi », explique l’ancien adjoint au personnel aux allures d’un Herbert Léonard sur le retour et affublé d’un bouc. « Monsieur Césari, la civilisation est née lorsque les hommes ont enterré leurs morts, philosophe pompeusement Guy Obino. Je vois de qui vous voulez parler, j’espère que votre demande relève de la simple compassion. »

19h00 Vote de l’attribution du « marché entretien courant des espaces verts » de la commune à la société aubagnaise « ISS espaces verts » : Alain Césari offre un gros gourdin à Guy Obino, qui l’utilise avec plaisir. L’élu mégrétiste regrette que la mairie n’ai pas « formé des agents municipaux » à cette activité et « ajoute à la pollution » en faisant appel à un prestataire éloigné. Le maire, d’une voix mielleuse : « Monsieur Césari, c’est le dernier conseil municipal de la mandature, je vais donc essayer d’être agréable. Vous avez été adjoint au personnel et vous n’êtes pas sans savoir que la masse salariale représente 55 % du budget de la commune. Vous nous conseillez malgré tout d’embaucher ? » Et de conclure, satisfait : « Je ne crois pas que personne puisse faire mieux. » « Ca va venir », ronchonne un homme dans le public.

19h05 « Un petit mot sur la rénovation du domaine de Fontblanche », encourage Guy Obino. Le « Ah oui ! » benoît de Claude Michel, adjoint aux marchés publics, provoque quelques rires dans l’assistance. Jaloux de son pouvoir, le vice-président de la CPA reprend rapidement la main pour une nouvelle séance d’autosatisfaction : « On va finir en feu d’artifice avec les inaugurations de ce domaine, de la nouvelle station d’épuration, d’une crèche… » Alain Césari tente un contre : « Ce feu d’artifice me fait penser à la fable du lièvre et de la tortue : au départ, le premier batifole, puis accélère en vain quand il voit revenir la seconde. » Mimique faussement outrée de Guy Obino : « Monsieur Césari, vous ne manquez pas d’air ! Avec la prudence de sioux qui est la mienne, je vais vous rappeler une autre fable : il y en a qui éclatent à force de gonfler ! » Et de repartir dans un panégyrique de son action : rénovation de sept groupes scolaires, restauration d’une église, réouverture du cinéma municipal et de la piscine… Conclusion : « Ca plaît aux Vitrollais qu’on ait fait tout ça. » Commentaire du même autochtone : « On verra. »

19h11 Le chef de file MNR retente une offensive à l’occasion du vote des avenants aux marchés des travaux du stade Ladoumègue. « Ils augmentent de 12 à 15 % le montant du total. Je ne sais pas comment a été monté le marché, mais ça fait beaucoup », développe le mégrétiste. Après avoir laissé son adjoint apporter les premières explications, « Louis XIV » redonne du gourdin : « Quand j’étais dans l’opposition, ce marché n’a jamais pu être conclu. Quand j’ai été élu, on m’a dit de le remettre à plat. » Apparemment habitué aux coups, Hébert Léo… Alain Césari se rebiffe : « Je vous ai mouché il y a deux conseils sur un problème identique sur les travaux de deux écoles. J’en fais une question de principe. » Fureur contenue du monarque : « Laissez-moi continuer, je ne vous ai pas interrompu ! Avec tous ces petits avenants, les comptes de la commune sont aujourd’hui en équilibre et nous dégageons des bénéfices. Alors que quand je suis arrivé, le déficit était de 4 millions d’euros et on voulait presque nous mettre sous tutelle. »

19h18 Intarissable, le conseiller général poursuit en affichant une vraie fausse tristesse : « Je ne voulais plus vous la renvoyer celle-là, mais je souhaite pour la ville que plus jamais des gestionnaires comme vous reviennent. Les Vitrollais ont payé. » « On est habitués », grommelle toujours le même homme dans le public, pendant que Jean-Claude Denjean, premier adjoint, tente une conciliation : « Je rappelle que le législateur prévoit ces augmentations. » Rien n’y fait, Guy Obino est lancé. Il achève finalement son monologue, pompeux et satisfait : « Bis repetita placent, comme disent les Romains (sic). Vous eussiez su que le marché était de 2,2 millions d’euros, vous n’eussiez pas posé de question ridicule… » Deux abstentions chez les mégrétistes. Colette Hanczyk, la troisième, recherche la rédemption ?

19h28 « Vous votez les délibérations lorsqu’il y a 5 799 euros de dépassement des travaux, mais pas quand il n’est que de 4 000 euros. Vous dites des sottises », taquine Guy Obino à propos de la rénovation de l’hôtel de ville. Las, Alain Césari se met seul un coup sur la tête : « C’était ironique et pas une sauterie ! » L’assistance explose.

20h01 Pour la première fois, Guy Obino s’empare d’une délibération. Elle concerne la « modification du règlement intérieur des cimetières… » Jean-Claude Bascou, conseiller délégué à la sécurité civile, s’inquiète : « Les personnes non décédées auront droit à la sépulture, je comprends pas… » Indignation du vice-président de la CPA : « C’est très clair, ça concerne les personnes qui sont décédées hors du territoire de la commune. Les littéraires sont rares ici ! » L’humour méprisant du maire entraîne curieusement un fou rire de sa majorité. Exaspération, puis compassion du monarque : « Ne riez pas ! C’est sérieux. »

20h16 Délibération 43. Didier Hacquart, adjoint au personnel municipal, profite de sa dernière tribune pour faire ses adieux au conseil et remercier « les organisations syndicales », « les agents », « le personnel des ressources humaines », « le directeur général des services de la ville »… Le « roi soleil » a refusé de le reconduire sur sa liste pour les municipales du mois prochain. « J’étais opposé au traité constitutionnel européen et pas franchement royaliste, donc trop à gauche », explique l’adjoint en aparté. Alors que Guy Obino est pour une fois mutique, Alain Césari lui donne du grain à moudre : « Il y a une dizaine de jours, j’ai croisé une ancienne agent municipale que nous avions embauchée. Elle est handicapée, sourde et muette, et se trouve au chômage depuis votre arrivée à la mairie. J’aurai pensé qu’une municipalité qui se veut proche des plus faibles aurait fait attention à son cas… » Le maire ressort sa plus belle panoplie : indignation, compassion, attaque et autosatisfaction. Et de conclure : « J’espère que ce n’est pas une fausse info. Mais s’il faut faire une place à cette personne, elle l’aura, je m’y engage. » Sourire ironique du mégrétiste.

20h42 Comme la plupart des délibérations, la dernière obtient l’unanimité. « C’est joli », commente Claude Michel, satisfait. Pascale Morbelli, adjointe à la Politique de la ville, annonce son retrait de la vie politique pour « raisons personnelles ». Guy Obino saute sur l’occasion pour conclure la dernière séance de sa mandature. Après avoir rapidement « remercié tous les élus », il se lance – nécessairement – dans un long rappel de ses réalisations, avant d’assurer : « Je ne veux pas donner dans l’autosatisfaction. » Jamais rassasié, il lâche même : « Avec Monsieur Césari, on avait presque trouvé une complicité. »

20h51 Après un dernier message sur sa fierté « d’avoir remis Vitrolles dans son environnement institutionnel et arrêté la politique de l’exclusion », il délivre l’assistance, sous des applaudissements plus polis que passionnés, par un « merci à tout le monde et peut-être à bientôt ! ». Ou peut-être pas. Guy Obino est cette fois opposé à un candidat UMP qui part avec quelques anciens MNR et compte sur les 57 % de Nicolas Sarkozy au second tour des présidentielles…

Jean-François Poupelin

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