Mandelieu-la-Napoule, conseil municipal du 20 juin 2008

juin 2008

17rv54lop_leroy.jpg08h26 La répartition spatiale du public illustre presque parfaitement le rapport de force politique local : six Mandelociens sont installés dans la rangée de droite, un dans celle de gauche. Le grand reporter du Ravi a spontanément choisi la plus clairsemée…

08h28 Visage rond, chemise bleue à col et manchettes blanches surmontée d’une cravate rayée, pantalon beige et mocassins, Henri Leroy, maire UMP de Mandelieu-la-Napoule depuis 1995, affiche une certaine impatience. Sans un bonjour aux élus, il ouvre la séance d’un ordre : « Allez, monsieur le DGS [directeur général des services, Ndlr], veuillez faire l’appel. »

08h42 Avant de quitter le conseil pendant le vote des comptes de l’exercice 2007, comme le recommande la loi, Henri Leroy se fait solennel. « Je voudrais porter à votre connaissance la philosophie (sic) de ce conseil municipal », attaque le maire. Et d’expliquer, une pointe de suffisance dans la voix : « Le vote du budget est l’acte politique majeur d’un conseil municipal. Les autres réunions […] assurent concrètement, par le vote de délibérations, la mise en application du budget prévisionnel. » Suit l’énumération de ses résultats évidemment formidables (efficacité de la vidéosurveillance, pas d’augmentation des impôts depuis 2002, 17,4 millions d’euros d’investissement…) Conclusions : « Avec moins nous faisons plus », « il nous faut continuer sur cette voie de l’autogestion, inventée par Michel Rocard (sic)… » Monique Robory-Devaye, première adjointe, prend le relai.

08h53 « Il y a des questions ? », interroge la quinqua, carré brun et visage sévère. Malgré un ton cassant qui incite peu aux épanchements, Bernard David (encarté UMP), candidat malheureux en mars dernier de la liste « Ensemble pour Mandelieu-la-Napoule » – un amalgame improbable de militants dissidents du parti présidentiel, du Nouveau centre, du Modem et de socialistes locaux – attrape la perche. « La commune est riche et dispose d’un budget important pour sa population. Si j’étais dans la majorité, je voterais pour les comptes de l’exercice 2007. Mais comme c’est un acte politique, je m’abstiendrai », explique le chef d’entreprise athlétique qui affiche le sourire de Bernard Tapie.

08h54 L’intervention du leader de l’opposition de droite lance définitivement le conseil. Crâne dégarni, regard noir derrière ses lunettes rondes et tête baissée, Bruno Munier, conseiller municipal délégué aux relations avec l’opposition et porte-parole du groupe majoritaire, tonne, accusateur : « L’opposition a une place dans la commission des finances mais ne s’en sert pas ! Je rappelle que l’opposition est là par la volonté du peuple, qui a voté pour qu’elle travaille ! » « Quand on a deux minutes de temps de parole et qu’on est systématiquement coupé, il est difficile de jouer son rôle », se défend Bernard David, en référence au règlement intérieur voté après l’élection d’Henri Leroy (55,4 % des voix au premier tour). Abasourdi par la virulence de l’élu et le sourire en berne, il conclut dans une plainte : « Je ne vois pas pourquoi vous montez sur vos grands chevaux… »

08h58 « C’était l’année dernière, l’opposition n’était pas là ! » Installé en bout de table, à deux sièges de Bernard David et face aux autres élus de « Ensemble pour Mandelieu-la-Napoule », Hervé Lavisse, unique représentant de la liste « Mandelieu à gauche », entre en scène de manière tonitruante et cloue Yves Simon, adjoint aux sports, qui interrogeait plein de fiel : « Où était l’opposition au moment du débat d’orientation budgétaire ? »

09h08 Retour d’Henri Leroy, après un petit arrêt pour saluer les Mandelociens présents. Ceux de droite uniquement. Bernard David chausse une paire de demi-lunes.

09h13 Hervé Lavisse dispose visiblement d’une cote d’amour tout autre que celle de Bernard David auprès d’Henri Leroy. Alors que le socialiste dissident local, qui a refusé de suivre sa section dans une alliance avec Bernard David dénoncée au niveau départemental et national, en remet une couche sur le temps de parole de l’opposition, le maire le coupe calmement et explique : « Il y a eu une mauvaise interprétation de la presse. La limite est de six minutes par délibération, mais le maire à la possibilité d’accorder plus si le débat est intéressant et pas nihiliste. » Puis l’édile de redonner la parole au représentant de la gauche, qui en profite pour répondre à son tour à Bruno Munier : « Vous êtes le barde de la mairie et vous vous retrouverez suspendu à un arbre à force de passer la brosse à reluire ! » Les colistiers de Bernard David s’esclaffent. Pris par ce débat « intéressant et pas nihiliste », Henri Leroy élude et tempère : « Connaissant monsieur Munier, professeur de Sciences politiques d’un naturel pédagogue, et sa famille, sa culture et ses origines, je ne pense pas qu’il mette toute l’opposition dans le même panier. » Le leader de l’opposition de droite encaisse sans réagir.

09h20 Le seul Mandelocien qui avait osé s’afficher à gauche quitte le conseil.

09h35 Malgré l’accélération de l’ordre du jour, le maire fait preuve de plus en plus d’impatience vis-à-vis de sa majorité. Exemple : alors que Jacques Berthelot, adjoint à l’urbanisme, détaille avec force gestes l’aménagement d’une aire de loisir, le maire le coupe sèchement : « Il s’agit de bancs et de chaises ! » L’élu acquiesce en se dandinant sur la sienne.

09h48 Délibération 28 : « Création d’une harmonie fanfare municipale – Demande de subvention. » « C’est un ensemble de cuivres qui ne fait que de la musique militaire », précise Sophie Degueurce, adjointe à la culture. Toujours aussi en verve, Hervé Lavisse ironise : « J’ai l’habitude de dire que Mandelieu est un désert culturel, je fais mon mea culpa. » A l’image de la majorité, Bruno Munier manque de s’étouffer : « C’est grave de dire ça, ça traduit une méconnaissance du travail accompli au centre culturel et ailleurs ! » Imperméable, l’élu de « Mandelieu à gauche » continue de s’amuser : « C’est vrai, il reste la fête du mimosa ! » Nouveau rires conquis des colistiers de Bernard David, dont on finit par se demander pour qui ils roulent.

10h01 « Il n’y a pas que des Russes, des Hollandais ou des Belges à Mandelieu, il y a également des gens modestes », s’emporte Arlette Giordano à propos de l’augmentation des tarifs de « l’accueil en étude surveillée » (16,35 euros à 17 euros par mois). Ça n’est pas très élégant au regard des 13 millions d’euros d’excédent sur le dernier exercice ! » « Nous rémunérons des gens parce que les anciens enseignants ne se dévouent pas à la cause qu’ils ont défendue », ironise en réponse Henri Leroy, avant de promettre l’accès à la caisse scolaire pour les plus démunis. L’opposition vote contre.

10h08 Bernard David, silencieux depuis 40 minutes, sort de la salle du conseil en se mouchant, Henri Leroy affiche un grand sourire et s’affale dans son fauteuil, les conseillers commencent à se dissiper dans de petites discussions. L’ambiance semble se détendre.

10h19 Erreur. « On ne fait pas d’aparté, on est en séance publique ! » Enième saute d’humeur du maire envers un de ses affidés. Le DGS, à qui il s’adresse, tente pourtant de résoudre un problème de montants, dans les délibérations 49 et 50, soulevé par Jean-Claude Castillo.

10h34 « Je vous remercie, bonne journée, au revoir. Le conseil de la majorité reste », conclut sans respirer Henri Leroy. Alpagué par le chargé de communication de la mairie, le grand reporter du Ravi temporise avant d’être gratifié d’un « sortez ! » furieux. « Il est sympa mais direct », s’excuse l’employé. Et un peu soupe au lait.

Jean-François Poupelin

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