Moi, Henri Quinson : Le miraculé de Wall Street

juillet 2009
Henri Quinson, fondateur de la fraternité Saint-Paul dans les quartiers Nord de Marseille, n’était pas prédestiné à devenir une icône médiatique. Il avait bien sorti un livre autobiographique au printemps dernier. Mais rien de très nouveau sous le ciel catholique. Tout a changé avec la crise. En quelques semaines, journaux et plateaux de télé se sont arraché cet anglo-américain de 58 ans, exemple miraculeux d’une conversion réussie. Car avant d’être « le moine des cités », Henri Quinson a été trader à New York.

50 000 exemplaires ! Hallelujah ! Mon autobiographie est un vrai succès de librairie ! Faut dire que mon éditeur a comme été touché par la grâce quand il a trouvé le titre du livre « Henri Quinson, moine des cités, de Wall Street aux quartiers Nord de Marseille. » Au printemps, on en a vendu quelques centaines d’exemplaires dans les librairies catho et aux sorties des messes. A l’époque, c’était encore les grandes heures du CAC 40 à plus de 5 000 points, personne ne croyait que tout allait dévisser grave. Quoi ? Oui, j’ai dit « dévisser grave ». Je ne travaille pas à Rome, moi. Ça fait 12 ans que je vis dans les quartiers nord de Marseille, alors, boulègue, collègue, je parle comme mes voisins. Donc, mon livre sort en catimini. Moi, je me demandais bien qui pourrait être intéressé par la lecture de plus de 200 pages sur l’histoire somme toute assez banale de ma life. Je dis « life » parce qu’en plus d’habiter les quartiers nord, je suis à moitié américain, par mon père.

« J’ai eu comme une illumination »

Et puis, les bourses font un gros crash à l’automne et mon livre est transcendé. Un déluge ! Mon site internet, mon adresse mail, mon téléphone fixe, mon portable, j’ai été inondé de demandes d’interviews. Un trader devenu moine, c’est du pain béni pour tous les médias qui répètent du soir au matin que les financiers sont tous des salauds. Pour une fois qu’ils en tiennent un qui a un profil présentable, un Lazarus revenu à la surface, faut l’inviter, l’idolâtrer. Et là, j’avoue, je me suis laissé tenter. Oui, j’ai été faible, j’ai répondu aux avances des journaux, des radios, des télés (1) et surtout, l’émission de Mireille Dumas, Vie privée, Vie publique. 4 millions de téléspectateurs. La Mireille n’a pas trouvé de mieux que de me mettre devant Pierre Botton, par qui les affaires d’abus de biens sociaux sont arrivées sur la place publique au début des années 90. Botton qui a fini par être condamné à 2 ans de prison, sauvé du suicide par un gardien ! Tu parles d’un face à face.

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Moi, j’ai quitté Wall Street à 28 ans, après avoir gagné mon premier million (de franc à l’époque) comme cadre d’une salle des marchés d’Indosuez. C’était en 1989. J’étais sur les rails de papa banquier. Et puis je ne sais pas ce qu’il m’est arrivé ce dimanche matin, le 8 janvier 1989. « J’ai eu comme une illumination, une émotion spirituelle très puissante. J’ai cru que c’était du « cinéma intérieur », mais depuis, je prie régulièrement, porté par une force mystérieuse » (2). Ça fait un peu bateau, je vous l’accorde, mais je ne suis pas écrivain, moi. Et c’est pourtant bien ce qui m’arrive. J’étais parti pour ramasser un paquet de fric sur les marchés et pan, me voilà branché sur l’au-delà. Bon, j’étais loin d’être vierge sur ce terrain-là. Baptême, communion, confirmation, école privée catholique dans le 16e arrondissement de Paris. Et puis surtout, j’avais déjà été illuminé une première fois. Par Raymond Barre. Pour sa campagne présidentielle en 88, j’avais produit avec le responsable des jeunes « barristes » (comme quoi, les éléphants socialistes ne sont pas les premiers à barrir) un 45 tours « Barre rock ». Résultat : 16,54 % au premier tour.

« Ce système est à bout de souffle »

Avec Dieu, c’est quand même plus simple que la politique. Juste lui et vous. Faut seulement avoir le temps. 6 ans pour ma part, à faire du fromage dans une abbaye cistercienne en Haute-Savoie, à Tamié. 6 ans uniquement pour savoir que… ça ne me plaisait pas. Entre temps, il y a eu le crash boursier de 93 et surtout la question du voile à l’école qui suivait l’islamisation de plusieurs pays. Car attention, ce n’est pas parce que je priais 6 fois par jour que je ne me tenais pas au courant de l’état du monde. C’est même pour cela que je ne suis pas resté moine. Ça et le sommeil. J’ai besoin de 8 heures d’affilée et à l’abbaye, on se lève à 3 h 30 du matin pour les vigiles !

Bref, j’ai encore eu une vision. Je me voyais « faire l’école à des enfants maghrébins de Marseille » (3). Voilà, c’est ma vocation, évangéliser les pauvres d’une ville où la religion catholique a déserté les quartiers populaires. Ce sera une fraternité dans la cité HLM de saint Paul, dans le 13e arrondissement de Marseille (4). Avec Karim de Broucker, nous l’avons fondée sur 7 piliers : célibat, prière quotidienne, habitat en appartement HLM, travail, hospitalité, entraide, paroisse. Voilà, j’avais trouvé ma place sur terre et à côté de Dieu, j’étais bien et puis voilà, le livre, la crise, Mireille Dumas et tout est bouleversé. Alors, puisqu’on m’offre une tribune, j’en profite pour donner ma vision des faits.

Cette crise en appelle d’autres et tout le système finira par s’effondrer car il a érigé l’égoïsme et la cupidité en valeurs universelles. Les politiques français ne sont pas à la hauteur face à cette situation. L’UMP de Sarkozy et le PS, ce parti de fonctionnaires, sont trop éloignés de la vie des gens. La seule solution pour s’en sortir, c’est de créer un système fiscal au niveau européen fondé uniquement sur l’impôt sur le revenu. Plus on est riche, plus on paye. Mais aussi relocaliser les entreprises, encadrer sévèrement la finance, développer l’écologie, s’ouvrir aux autres, retrouver un souffle spirituel. Devenir des alter-croyants en somme.

Jean Tonnerre

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