Après le conflit, la chienlit ? Sauve-qui-peut l’université !

octobre 2009
Etudiants et chercheurs ont repris le chemin des amphis et des laboratoires. Mais les motifs des dernières grèves, les plus importantes depuis 68, sont toujours là. Tout comme le gouvernement qui maintient le cap sur les réformes contestées…

Les étudiants vont déserter les facultés ! A court d’arguments, après plusieurs mois d’un conflit sans précédent depuis 1968, le gouvernement a agité cette menace : les grèves à répétition sont le meilleur moyen de décrédibiliser l’université et d’inciter les lauréats du bac à se diriger vers les autres formations, comme les IUT ou les classes préparatoires. Même des « profs en lutte » ont été sensibles au raisonnement, préférant suspendre le mouvement pour assurer les examens et ne pas priver de diplômes leurs étudiants. Une crainte de désertion des facs démentie par les chiffres. De fait, autant d’étudiants se sont inscrits cette rentrée que lors de la précédente.

Un des sujets qui fâche, c’est la « masterisation ». Autrement dit, la réforme de la formation et du recrutement des maîtres (écoles et professeurs du secondaire) qui prévoit d’intégrer les IUFM à l’université. Derrière l’aspect technique, les enseignants dénoncent un appauvrissement des disciplines et une précarisation de leur statut. Les ministres de l’Education et de l’Enseignement supérieur doivent présenter un nouveau projet en décembre. Car si le gouvernement recule parfois, il ne change pas fondamentalement de cap. L’autonomie tant redoutée des universités est en marche : les six facultés réparties sur les deux académies de la région seront toutes officiellement « autonomes » en 2010.

05rv67yacine_grosse1.jpg

De quoi s’agit-il ? Pour les uns, cela va permettre de desserrer l’étau de l’Etat centralisateur jacobin en donnant plus de souplesse et de moyens à des facultés enfin ouvertes sur le monde de l’entreprise. Pour les autres, c’est prendre le risque de faire dépendre l’université des financements privés, de renforcer le pouvoir administratif de présidents tout-puissants au détriment d’une gouvernance collégiale et de la liberté pédagogique des chercheurs-enseignants. Craintes qu’aiguisent la transformation en cours de leur statut et le démantèlement du CNRS… Les tribulations de Laroussi Oueslati, président de l’université Toulon Var, inquiètent en effet quelque peu au moment où se constitue un corps « d’omniprésidents » des facultés…

Alors, sauve-qui-peut l’université ? Jouer le statu quo n’a pas de sens. Il y a urgence à agir. L’état déliquescent des locaux de nombreuses facs frise l’indécence. Celui des logements étudiants s’est amélioré mais l’offre est toujours très insuffisante. La baisse permanente de postes aux concours de recrutement et la raréfication des bourses menacent la recherche. Les doctorants, ceux qui préparent une thèse, et post-doctorants, ceux qui l’ont en poche et cherchent un poste, sont soumis dans certaines disciplines à une précarité indigne. Les vieilles traditions hiérarchiques inégalitaires et les réflexes corporatistes ont la peau dure à l’université. Si le modèle des facs privées à l’américaine l’emporte, cela pourrait être pire…

M. G.

AU SOMMAIRE

■ Toulon : grandeur et déchéance d’un omniprésident ■ Entretien avec Roland Gori ■ Chercheur précaire ■ La face cachée de l’auberge espagnole ■ The faculty ■ Tribune : Les universités apaisées par la force ? ■ Programmes du futur ■ L’Amu, toujours l’Amu ■ Révolution du syndicalisme étudiant

Imprimer