Militer dans la joie

mai 2004

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La fête est un mode revendicatif rassembleur. Le phénomène, présent dans les mouvements contestataires des années 60 et 70, ne s’est pas démenti ces dernières années, relayé par les rassemblements comme celui du Larzac, où concerts et repas collectifs côtoient les débats et les actions plus offensives. Le mouvement homosexuel en particulier s’est caractérisé dès ses débuts par une dimension festive, notamment au travers des marches de la fierté gay et lesbienne. « Lors des premières marches, nous défilions avec des masques blancs, en solidarité avec ceux qui ne pouvaient pas se montrer, se souvient Jacques Fortin, militant de longue date . Par la suite, c’est l’exubérance et la fête qui ont primé, comme supports de visibilité et de revendication. » Dans la région, ces marches annuelles ont lieu à Marseille et Nice. Les organisateurs de la Gay Pride marseillaise sont cependant très contestés depuis plusieurs années, certaines associations militantes locales ayant même fini par ne plus appeler à participer à cette marche. Au-delà des dissensions, elle rassemblerait en moyenne 5000 personnes , une soirée commerciale marquant le sommet des réjouissances. Pour l’aspect revendicatif, des débats et conférences sur des thèmes plus politiques sont généralement aussi organisés dans les semaines entourant la manif. Mot d’ordre pour la Gay Pride 2004 à Marseille : « pour une vraie citoyenneté, tous égaux ».

Au sein du mouvement homo, les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence, confrérie d’un genre à part née en Californie en 1979, donne un bon exemple d’un militantisme radical allié à un esprit franchement festif. Les membres de cet ordre de « folles radicales » font le voeu de promouvoir la « fête et la joie universelle » mais également la prévention Sida et le soutien aux malades, le rejet de la honte et la visibilité. La dizaine de militants du couvent de la région marseillaise s’affiche dans leurs déguisements de bonnes soeurs kitsch et débridées, aussi bien durant la Gay Pride, que dans des soirées, des opérations de collectes de fonds ou des actions contre des commandos anti-avortement.

D’un style bien différent, les Karnavals des sons ont fait leur apparition récemment à Marseille et Nice sous la forme de street-party contestataires. Un des défilés a notamment eu lieu parallèlement à la manifestation contre la guerre en Irak en février 2003. Si les chars des différents collectifs présents (parmi lesquels AC!, la CNT, No Pasaran, des militants occitanistes), des sound-systems et compagnies d’arts de rue venus de toute la région ont fini par rejoindre le parcours des autres manifestants, ils se sont tout de même démarqués de la manifestation « traditionnelle », « par refus des étiquettes de partis, drapeaux syndicaux et autres rigidités structurelles qui en font des manifs si tristes ». Le Karnaval se veut organisé par « un immense réseau de compétences et d’affinités sans chefs, sans pyramides, sans organisation hiérarchisée (…) » , avec des mots d’ordre contre les dérives sécuritaires, pour le partage, l’autonomie…. Cette manif alternative, renouvelée encore en mars dernier en a pourtant déçus certains qui ont trouvé léger son contenu revendicatif. Pour eux, le dernier Karnaval ressemblait plus à une gigantesque rave-party, dominée par le courant hard-core de la techno et le kaki des treillis.

L. A.

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