Rien ne change, tout bouge

juin 2010
Nette victoire du PS et de ses alliés, gifle pour l'UMP, extrême droite extrêmement en forme, floraison écolo, front de gauche préservé, triomphe des pêcheurs à la ligne : le scrutin régional est riche en leçons... Il confirme, sous l'apparence de la permanence, une grande instabilité politique en Paca.

Le PS reprend du rose aux joues

Les scrutins se suivent et ne se ressemblent pas pour le parti socialiste. En juin 2009, il s’est fait platement battre aux européennes avec à peine plus de 13 % des suffrages en Paca, soit 3 points de moins qu’une moyenne nationale déjà très basse. Certes un peu mieux que le Front national (10 %) mais moins bien qu’Europe écologie (16 %) et très loin de l’UMP (30 %). En mars 2010, Michel Vauzelle, allié aux écologistes et au Front de gauche, décroche à l’inverse sans peine un troisième mandat à la tête du Conseil régional. Au premier tour en frôlant les 26 %, il a presque fait jeu égal avec l’UMP et a distancé largement ses partenaires verts et rouges qui lui avaient fait des infidélités. Au deuxième tour, son « alliance de l’olivier » reconstituée obtient 44 % avec une confortable avance de 11 points sur Thierry Mariani. Un beau score mais pas un triomphe : c’est un point de moins et 134 000 voix de moins qu’aux régionales de 2004. Michel Vauzelle est le président de Conseil régional le plus mal réélu de France ! Très très loin des 67 % obtenus par Martin Malvy en Midi-Pyrénées ou des 60 % de Ségolène Royal en Poitou-Charente. Ce scrutin confirme sur un point la nouvelle géographie politique de Paca : ce sont les départements ruraux et alpins qui plébiscitent la gauche (Hautes-Alpes près de 54 % au second tour, 53 % dans les Alpes-de-Haute-Provence). Mais met – provisoirement ? – un terme à la domination de la droite dans les grandes villes régionales : seule Toulon résiste à la vague Vauzelle qui arrive en première place à Marseille, Nice et Avignon. Questions en vrac : le PS continuera-t-il à jouer aux montagnes russes d’un scrutin à l’autre ? Va-t-il reprendre la grosse tête après avoir retrouvé le leadership à gauche ? Les conflits d’ambitions laisseront-ils la place à un travail au long cours sur le projet ? Mais au fait, quel projet ?

L’UMP se prend une grande claque

Aucun grand baron de l’UMP en Paca ne voulaient monter au front. Et ils avaient raison de partir en courant ! La déculottée est sévère. Dans une région où le parti présidentiel aligne 34 députés sur 40, gouverne toutes les grandes villes, trois Conseils généraux, où Nicolas Sarkozy a réuni près de 62 % aux présidentielles, Thierry Mariani peine à rassembler 33 % et renouvelle, en moins bien (100 000 voix perdues), la contre-performance de Renaud Muselier en 2004. Il s’en faut même de très peu, un petit point de pourcentage, pour que l’UMP cède la première place au PS dans les Alpes-Maritimes et le Var, les départements les plus droitiers de Paca. Mais Jean-Claude Gaudin à Marseille, Christian Estrosi à Nice, Marie-Josée Roig à Avignon doivent acter la défaite de la droite dans leur ville. Hubert Falco, pas très solidaire dans la déroute, n’a pas manqué de souligner que l’UMP avec 42 % a devancé à Toulon de 4 % la liste de gauche. Reste pour Thierry Mariani à prendre maintenant des vacances. Nous lui conseillons Cannes ou Antibes, les deux villes où il a fait son meilleur score, respectivement de 44 et 43 %… Questions en vrac : La stratégie du grand parti unique, qui prive au second tour la droite de toute réserve de voix, va-t-elle être remise en cause ? L’UMP doit-elle passer sous le seuil des 10 % pour que Nicolas Sarkozy et François Fillon reconnaissent une défaite ? Après un débat sur l’identité nationale, celui sur le projet d’interdire la burqa, la majorité présidentielle prépare-t-elle des états généraux de la préférence nationale ?

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Le Front national fait fureur

Grâce à papi, l’extrême droite cartonne à nouveau en Paca. Le Front national dont la moyenne atteint 9 % en France, frôle les 23 % dans notre région avec une liste conduite par Jean-Marie Le Pen, 81 ans. Il améliore de presque trois points son score du premier tour, soit l’équivalent du résultat obtenu par le frère ennemi Jacques Bompard de la Ligue du Sud. Le Vaucluse a l’honneur d’être le département le plus brun de France avec 26,5 % pour le FN. Il offre au Front des sommets à Orange (31,6 %), Sorgues (36 %), Cavaillon (38 %). A Marignane dans les Bouches-du-Rhône, il obtient 37,7 % ! Cette performance doit être nuancée. Le Pen fait mieux en pourcentage que Guy Macary (tête de liste FN en 2004 rallié à Jacques Bompard en mars 2010) mais perd 22 000 voix. Reste qu’il s’agit toutefois d’une performance. Seule la fille Le Pen dépasse les 22 % dans le pays. En Paca, le FN est exsangue, sans appareil, sans militants. Son succès est d’autant plus remarquable. Questions en vrac : S’agit-il d’un véritable retour ou d’une salve d’honneur pour saluer le vieux chef xénophobe ? L’électorat du FN en Paca qui s’était rangé derrière Nicolas Sarkozy se laissera-t-il à nouveau séduire par l’UMP dont la région compte grand nombre de représentants prompts à surenchérir sur le terrain sécuritaire ?

Europe écologie ne fane pas

Bien sûr avec seulement 10,9 % au 1er tour, le score de Laurence Vichnievsky n’a pas été à la hauteur des espoirs de ses partisans auxquels les sondeurs promettaient plus. Elle fait moins que la moyenne nationale de 12,5 % d’Europe écologie. Elle ne retrouve pas les 16 % obtenus en Paca par les écolos aux européennes. Mais le mouvement fédérant « Verts et divers » s’impose en France comme 3ème force politique. Et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, où les écologistes n’ont jamais réalisé de prouesses électorales, Europe écologie se hisse à la 4ème place puisque la 3ème est occupée par les verts… de gris du FN. C’est dans les départements alpins que l’écologie trouve son biotope le plus favorable (15 % dans les Alpes-de-Haute-Provence ; 14 % dans les Hautes-Alpes) et dans le Var que le climat est le plus rude (9,6 %). A noter : 12,5 % dans les Alpes-Maritimes, score honorable sur un terreau pourtant très conservateur. Questions en vrac : Avec 18 conseillers régionaux élus (au lieu de 8), 4 vice-présidents (au lieu d’un seul) les écologistes arriveront-ils à marquer plus fortement la mandature ? En Paca, éviteront-ils de se diviser comme dans l’assemblée sortante ? En France, combien de temps l’auberge verte va-t-elle tenir debout en faisant le grand écart entre des militants ancrés à gauche et des amis d’un Cohn Bendit partisan d’une coopérative politique ouverte au centre droit ?

Le front de gauche fait de la résistance

Le Front de gauche, alliance notamment du PCF et du parti de Mélenchon, sauve les meubles en obtenant 6 % (sa moyenne nationale) et la possibilité d’avoir des élus. Le parti communiste avait pris un gros risque en ne s’alliant pas, pour la première fois lors de régionales, au PS. Pari relevé mais, avec ses partenaires, il n’aura désormais que 9 conseillers régionaux au lieu de 22 dans le mandat précédent. Petite consolation, les frères ennemis du NPA, à l’issue d’une campagne plombée par la candidate voilée dans le Vaucluse, se ramassent avec 2 %. Le nouveau parti de Besancenot fait moins bien que feu la LCR en 2004 (2,6 %). A noter : dans le Limousin où Front de gauche et NPA ont fait liste commune, ils ont obtenu 14 %. L’union fait la force ? Questions en vrac : 7,9 % dans les Bouches-du-Rhône pour le Front de gauche, n’est-ce pas un score tout juste passable dans le dernier bastion du communisme municipal ? Après avoir évité le naufrage, le PCF va-t-il se contenter de gérer avec prudence son petit « capital » ou s’ouvrir plus largement à toutes les composantes de la gauche radicale ? Le NPA peut-il – et voudra-t-il – sortir de son splendide isolement ?

L’abstention ne s’abstient pas

1,6 million d’électeurs sur les 3,3 millions inscrits sur les listes en Paca ne se sont pas déplacés pour aller aux urnes, soit 47,7 %. Michel Vauzelle a donc été élu avec près de 747 300 milles voix. L’abstention cartonne dans les départements les plus peuplés et urbains (Bouches-du-Rhône 48 %, Alpes-Maritimes 49 %). Et atteint des niveaux records dans les arrondissements populaires de Marseille (15ème, 56,5 % ; 3ème, 57,8 %). Une question : ces abstentionnistes ont-ils pris le temps de lire notre numéro spécial de mars « 20 raisons pour ne pas aller à la pêche ? »

Par Michel Gairaud

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