Eau rage, eau désespoir !

mars 2012

Forum mondial de l’eau versus Forum mondial alternatif de l’eau. Une jolie bataille (d’eau) à Marseille s’annonce en mars sur fond de campagne électorale. Au risque de noyer quelques questions essentielles ? le Ravi plonge à nouveau et enquête sur le coût, la qualité, la gestion et le gaspillage de l’or bleu.

ravi_94_unelight.jpgForum « des solutions » contre alter forum « des solutions réalistes ». Même s’ils affichent des objectifs apparemment voisins, même s’ils se déroulent tous les deux à Marseille ce même mois de mars, le 6eme forum mondial de l’eau (FME) et le forum alternatif mondial de l’eau (Fame) ne vont pas se marcher sur les pieds. Le premier est initié par les multinationales du secteur et piloté par l’Élysée (1). Le second est porté par Attac, la société civile et les partis politiques de gauche (Front de gauche et Europe écologie).

Par contre, échéances électorales obligent, les deux forums seront une étape incontournable dans l’agenda des candidats à la présidentielle. Eva Joly (EELV) et Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) sont attendus au Fame. François Hollande (PS) et Nicolas Sarkozy (UMP) au FME. Le candidat-président, qui ouvrira la manifestation et y vivra son dernier sommet international, devrait en profiter pour faire une énième promesse : certainement la création d’un fond d’aide aux familles en difficulté… uniquement financé par les usagers. Afin de ne pas fâcher son ami Henri Proglio, actuel PDG de GDF-Suez et ancien patron de Veolia ?

L’autre point en commun entre les deux forums, c’est leur financement largement public. Plus ou moins assumé. Du côté du Fame, personne ne s’en cache. « Nos projets sont subventionnés à hauteur de 80 % », explique Béatrice Collet, trésorière d’Attac Marseille. Hors financement des associations qui participent au Fame, ce dernier devrait pouvoir compter sur 700 000 euros. Ce qui finalement est très peu payé pour dix jours de festivités (voir le programme dans nos pages centrales). Et plutôt éprouvant pour les organisateurs ! Présidente du groupe EELV à la ville de Marseille, Michèle Poncet-Ramade préfère positiver : « On va chez Emmaüs, c’est brinquebalant, alter, machin chose […] mais des fois le branquignol a du bon. »

Tout l’opposé du FME, pour qui les robinets ont été ouverts (2). Sur ses 30,65 millions d’euros de budget, au minimum car tout n’a pas été comptabilisé, 16,6 millions ont été versés par l’Etat (via ses ministères et des organismes publics) et les collectivités locales, qui ont, pour certaines, mis deux fois au pot. C’est le cas de la ville de Marseille (5 millions d’euros au total) et de la communauté urbaine (2,3 millions d’euros en tout), deux collectivités qui ne roulent pourtant pas sur l’or. Mais au fait pour quoi faire ? Afin de décerner, par exemple, le grand prix Hassan II pour l’eau (ça ne s’invente pas !), qui récompense un projet à long terme ou une carrière (3)…

Cette nouvelle histoire d’eau, le Ravi y a évidemment plongé. « Le mensuel qui ne boit pas la tasse » est également allé en pêcher d’autres, comme le gaspillage de l’or bleu, la gestion des réserves, le coût comparé du m3 en Paca, le marché des piscines qui prospère dans la région… Ça coule de source !

Jean-François Poupelin

Le programme du Fame, c’est ici !

(1) Christian Frémont, chef de cabinet de Nicolas Sarkozy, ancien préfet de la région Paca, assure la présidence du comité national. (2) Pour remercier le Conseil mondial de l’eau, un syndicat d’acteurs de l’eau dominé par les « trois sœurs » (Suez, Veolia et la Saur), qui récupère au passage 5 millions d’euros de droits, d’avoir choisi pour son 6ème forum Marseille, une « Veolia-ville » ? (3) A un an de la retraite, Loïc Fauchon est un bon prétendant. PDG de la Société des Eaux de Marseille, filiale de Veolia, président du Conseil mondial de l’eau, et hôte du FME, ça ne lui ferait qu’un conflit d’intérêt de plus…

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