A la mesure du problème

septembre 2004
Mesurer la pollution n'est pas anodin. Derrière la complexité technique et administrative se cachent de simples choix politiques.

Peut-on se fier au thermomètre ? Ecoforum, réseau régional regroupant une centaine d’associations sur les questions d’environnement et de santé, a jeté le doute en mettant en cause cet été, avec le soutien de Greenpeace France, « la justesse » de l’indice Atmo « sur le plan des particules fines ». L’indice Atmo est une échelle de valeur de 1 (très bon) à 10 (très mauvais) indiquant chaque jour dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants la qualité de l’air. Il est calculé en évaluant différents polluants (So2 ; NO2 ; O3 ; et les particules en suspension PM10). Les épidémiologistes affirment aujourd’hui que les particules les plus dangereuses pour la santé mesurent moins de 0,1 micron. Ecoforum réclame que les instruments de mesure de la pollution soient adaptés aux particules fines et qu’une directive européenne impose leur prise en compte. En 1999, souligne l’association, une pluie de sable a déclenché un indice Atmo au niveau 10 (très mauvais) alors qu’il reste indifférent aux particules les plus polluantes qu’engendre en particulier le trafic automobile !…

« L’indice Atmo facilement compréhensible, relativement universel, comporte plein de limites, confirme Yann Channac d’Airmaraix, l’un des organismes chargés de la surveillance de la qualité de l’air en Paca. Il ne mesure pas les effets d’accumulation et de synergie entre les polluants. Se fier à cet indice, c’est comme regarder les soleils sur une carte à la TV quand on s’intéresse à la météo. Elle n’indique pas la force du vent, sa direction, l’hydrométrie. Alors, oui, les connaissances sanitaires dépassent aujourd’hui les connaissances techniques. Les appareils pour mesurer les particules fines existent mais sont très chers et encore fragiles. Quant aux directives européennes, c’est logique, elles ont toujours 1 à 3 ans de retard sur les découvertes scientifiques ». Pour parfaire le tout, le budget d’Airmaraix, tout comme celui de l’Ademe (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), est nettement revu à la baisse. Petite incongruité administrative, en Paca, trois organismes sont chargés de la surveillance de la qualité de l’air : Airfobep autour de l’étang de Berre, Airmaraix pour l’est des Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse, et Qualitair pour les Alpes-Maritimes, les Alpes de Haute Provence et les Hautes Alpes. Il y a à cela une explication historique. Airfobep a été créé en 1972 à l’initiative des industriels de l’étang de Berre avant de devenir, en 1986, un organisme para-public. Airmaraix puis Airforbep sont apparus plus tard… Et une explication politique : les différentes collectivités territoriales siègent dans les trois associations que président des élus. Pas question donc, de lâcher quelques prérogatives. « Les techniciens de ces organismes sont compétents et dévoués à leur cause, souligne Victor Hugo Espinosa, coordinateur d’Ecoforum.

Mais ils n’ont pas la parole libre. Les associations qui contrôlent devraient être indépendantes du pouvoir économique et politique. C’est très loin d’être le cas ». Un technicien précise : « Les industriels sont les seuls qui ne dorment pas au Conseil d’administration. Les politiques, ils font l’autruche ». Autour de Berre, où l’on compte trois grandes raffineries, on ne mesure toujours pas les composés organiques volatils, qui sont une des émissions principales de l’industrie pétrolière… Au final, il n’existe pas d’harmonisation complète des pratiques d’un organisme à l’autre. Concernant l’ozone par exemple, depuis cette année, dans les Bouches-du-Rhône, il suffit d’une station de mesure qui dépasse un seuil pour valider une alerte dans l’ensemble du département, alors qu’il en faut toujours deux dans le Var et le Vaucluse. Autre point de friction : dans le Languedoc-Roussillon ou à Paris, on utilise des heures « glissantes » pour mesurer les dépassements de seuil lors des pics de pollution alors qu’en Paca on calcule en heures « fixes ». Résultat : avec ce dernier calcul, à pollution égale, on enregistre 10% d’alertes en moins. Il suffisait d’y penser…

M.G.

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