Arsenic et vieilles babouches…

septembre 2005
L'élection du nouveau conseil régional du culte musulman s'est achevée par une bataille plus judiciaire que théologique

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Les représentants des Musulmans de France ont été appelés à élire, dimanche 19 juin, les organes nationaux et régionaux du Conseil français du culte musulman (CFCM). Il y a deux ans, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, c’est une équipe dite « indépendante » avec à sa tête Mourad Zerfaoui, biologiste de formation et imam par circonstance, qui remportait les élections et contrôlait le CRCM-PACA grâce à une alliance avec l’UOIF (Union des organisations islamiques de France, proche des frères musulmans). Mais deux ans après la création de cet OVNI cultuel, l’équipe de Zerfaoui n’a jamais vraiment réussi à s’imposer comme interlocuteur incontournable pour les pouvoirs publics et notamment auprès de la mairie de Marseille. C’est donc sur fond de constat d’échec qu’ont eu lieu les dernières élections. En lice quatre listes : « les indépendants » avec Mourad Zerfaoui ; l’UOIF avec Moshsen N?gasou ; les représentants de la Grande Mosquée de Paris avec Abderrahmane Ghoul (proche de l’Algérie), et la FNMF (Fédération nationale des musulmans de France, proche du Maroc) avec Mohamed Moussaoui. A l’arrivée, une véritable « bataille des imams ».

Dans un premier temps, la victoire du président sortant Mourad Zerfaoui semble acquise. Il distance nettement tous ses concurrents avec 38 % des suffrages (soit 175 voix), suivi par son principal rival, Abderrahmane Ghoul (GMP : 27 %, 124 voix), par Mohamed Moussaoui (apparenté FNMF : 22 %, soit 101 voix) et enfin l’UOIF (12,9%, 59 voix). Mais la deuxième manche se joue sous le signe de l’alliance, celle du « tout sauf Zerfaoui ». Si les voix du seigneur sont impénétrables, celles des candidats malheureux ont vite été additionnées tant et si bien qu’au conseil d’administration la baraka s’est envolée pour Zerfaoui qui se retrouve minoritaire. Une alliance ou plutôt une hydre tricéphale a donc pris la tête du nouveau bureau du CRCM qui a désigné le 4 juillet Abderrahmane Ghoul comme le nouveau président.

Mais l’alternance démocratique et le fair-play électoral sont apparemment difficiles à supporter pour Mourad Zerfaoui. Il n’a pas hésité à reléguer l’Islam de PACA à la rubrique justice et faits divers, en saisissant les tribunaux pour invalider le nouveau bureau du CRCM pour des supposées « irrégularités » intervenues au cours du scrutin. Le lundi 25 juillet, le tribunal de grande instance de Marseille a donc tenté d’examiner la requête. Face à de nombreux spectateurs au premier rang desquels les renseignements généraux (véritables baromètres de l’Islam de Provence) et les représentants de la mairie de Marseille inquiets quant à l’avenir du local mis à la disposition du CRCM… La justice des hommes face à ce défilé d’imams, semble pour le moins désarmée. Résultat : la décision de différer le délibéré au 7 septembre. Interrogé par le Ravi, le recteur de la Grande Mosquée de Paris et président du CFCM (Conseil français du culte musulman), Dalil Boubakeur, est resté philosophe : « je suis étonné et attristé par l’attitude de Mourad Zerfaoui. J’espère que le bon sens l’emportera. »

Du bon sens, il en faudra effectivement beaucoup pour surmonter ce nouveau schisme au sein d’une communauté déjà largement divisée par les conflits (mésentente sur le projet de grande mosquée de Marseille pour ne citer qu’un exemple…). En attendant, les protagonistes oublient toute retenue en multipliant les déclarations véhémentes et en espérant que la justice adoube rapidement le nouveau patron du Conseil régional du culte musulman. Inch Allah….

Rafi Hamal

Un mode électoral complexe

5 219 délégués désignés représentant 1 300 mosquées (entre 1 et 15, selon la superficie de la mosquée) ont élu dimanche 19 juin, au scrutin de liste à la proportionnelle, à la fois leurs représentants aux conseils d’administration et aux bureaux des 25 conseils régionaux du culte musulman (CRCM), ainsi que ceux qui siègeront à l’assemblée générale (152 élus des régions) et au conseil d’administration (41 élus) du CFCM . Et ce pour une durée de trois ans.

Le ratio est d’un siège à l’assemblée générale du CFCM pour 27 délégués. Le nombre de sièges attribué à un CRCM pour le conseil d’administration du CFCM est fonction du nombre de sièges à l’assemblée générale (6 sièges à l’AG = 1 siège au CA, 10 sièges ou plus à l’AG = 3 sièges au CA). Précédent scrutin : lors de la première élection en 2003, le CFCM et les CRCM avaient été élus exceptionnellement pour deux ans. Le rôle du CFCM et des CRCM : au titre de représentants du culte musulman, ils sont les interlocuteurs de l’état et des collectivités locales.

R. H.

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