Droites : plurielles et sans complexe

février 2006
Sous le calme apparent d'une année sans élection, avant la déferlante 2007-2008 (présidentielles, législatives, cantonales, sénatoriales, municipales !), l'agitation règne à droite. A l'UMP où, sous le règne Sarkozy, on n'en finit pas de « tuer » le père Chirac. A l'UDF où on rêve d'une autonomie dont il reste à faire les preuves. À l'extrême droite où le FN subi la tentative d'OPA du MPF de Philippe de Villiers...

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« Je suis fidèle à Jacques Chirac et loyal à mon chef de parti ainsi qu’à mon Premier ministre. » (1) L’auteur de cette formule – marquée du sceau d’un subtil équilibre – est Renaud Muselier. Président du groupe UMP-UDF au Conseil régional, le leader théorique de la droite en Paca. Théorique car « le fils de Paca » n’est pas sorti renforcé de sa défaite, lors de la déferlante rose, face à Michel Vauzelle, au sein d’une Assemblée régionale qui est loin d’être le centre du pouvoir. Parce qu’aussi un Jean-Claude Gaudin dans les Bouches-du-Rhône, ou un Hubert Falco dans le Var, possèdent plus de poids et d’influence que Renaud Muselier, simple premier adjoint de Marseille depuis qu’il a démissionné de l’Assemblée nationale pour devenir secrétaire d’Etat du gouvernement Raffarin. Parce que d’autres jeunes loups (cinquantenaires tout de même, tout est relatif !), comme Christian Estrosi, président du Conseil général des Alpes Maritimes, aujourd’hui ministre délégué à l’aménagement du territoire, sont plus proches du héros incontesté des sondages : Nicolas Sarkozy. Parce que, enfin, même si l’UMP occupe une position hégémonique, en Paca comme en France, il n’y a pas une mais des droites. Plurielles, du centre aux extrêmes, des partisans de l’Europe aux souverainistes, du catholicisme social à l’ultralibéralisme, les droites partagent pourtant un point commun. Sur la sécurité, la libre concurrence, la « gouvernance » économique, le « dialogue » social, l’héritage colonial de la France : elles affichent aujourd’hui leurs valeurs sans complexe.

« L’idéologie a-t-elle encore sa place. Je ne suis pas vraiment de ce bord-là, je suis un pragmatique » Jean-Claude Gaudin, président délégué de l’UMP

« Pendant très longtemps en France, se dire de droite était impossible, souligne Jean Vavasseur-Desperriers, professeur d’Histoire contemporaine qui publie un « Que sais-je ? » sur les droites (2). Le terme renvoyait aux courants monarchistes conservateurs et anti-démocrates. Le libéralisme économique est resté durablement quelque chose d’un peu honteux. Se réclamer du marché, du capitalisme, est désormais courant. De ce point de vue-là, la droite est décomplexée. » Bien sûr certains ont encore quelques pudeurs. Et non des moindres. A l’image du N°2 du 1er parti de droite de France, alias M. le président délégué de l’UMP, Jean-Claude Gaudin. « La droite ? Mais l’idéologie a-t-elle encore sa place ? Je ne suis pas vraiment de ce bord-là, je suis un pragmatique », aime à répéter, comme le 20 janvier lors de ses voeux à la presse, le maire de Marseille. A l’UMP, affirme-t-il, il ne fait que rendre service. « Ce n’est pas à moi qu’on va demander d’écrire des textes sur le libéralisme, encore moins sur l’ultralibéralisme. » Mais Jean-Claude Gaudin n’est pas toujours fidèle à son credo de modéré. Il n’a pas craint, durant un automne marqué par des grèves à répétition à Marseille, de refuser tout dialogue en rejouant un scénario digne de la guerre froide face à une CGT désignée comme une organisation d’enragés voulant mettre à sac la ville. Et l’homme qui « rend service » est tout de même – excusez du peu – le président de la très stratégique commission des investitures de l’UMP, celle qui va distribuer les précieuses places sur les listes lors des nombreux scrutins à venir. « Comme Jean-Claude Gaudin, dès qu’ils sont dans leurs régions, à droite comme à gauche, les élus soutiennent qu’ils représentent tout le monde, sans clivage politique, constate Jean Vavasseur-Desperriers. C’est un discours convenu qu’il faut savoir décrypter. » Le décodeur est aussi de mise lorsque les cadres de l’UMP rendent hommage à Jacques Chirac dont ils furent longtemps les disciples inconditionnels. « Chirac est mon candidat de c?ur, soutient ainsi Renaud Muselier. Mais sera-t-il candidat en 2007 ? (…) Une nouvelle génération va vraisemblablement monter au front (…) Nicolas Sarkozy est une bête politique. J’admire son talent et son efficacité. A tous les problèmes, il apporte une solution. » (1) Si Sarkozy est donc en passe de réussir son OPA sur l’UMP, le grand mouvement « populaire » rêvé par Alain Juppé pour fédérer les droites, sur le modèle du parti républicain, est loin d’avoir unifié tous les courants de cette famille politique. Pour preuve les velléités d’indépendance des centristes de l’UDF, pourtant la plupart alignés localement sur leurs alliés de l’UMP, dopés par la stratégie de rupture de François Bayrou. Dernier phénomène : la subsistance en Paca d’extrêmes droites, divisées mais toujours confortées par les urnes. Le Front national est désormais « frontalement » concurrencé par le MPF de Philippe de Villiers. Droite extrême mais plus respectable qui pourrait servir de sas à des militants et à des électeurs en rupture avec la droite parlementaire parfois prête à accueillir les brebis égarées. Sans complexe.

Michel Gairaud

(1) Témoin sur France 3, le 21 janvier. Malgré de multiples démarches, nos demandes d’entretien auprès de Renaud Muselier sont restées sans réponse. (2) Les droites en France, Jean Vavasseur-Desperriers, Puf, à paraître en mars 2006

Au sommaire du dossier sur les droites

Page 8

L’UDF cherche son centre : Contre l’UMP où tout contre ? (encadré : dans le Var, l’UDF se balkanise)

Extrême droite et droite extrême : MPF, FN et MNR sont dans un même bateau… (encadré : avis de tempête sur le FN varois)

Page 9

Tentation populiste pour la droite populaire : Y-a-t-il encore un chiraquien dans l’avion UMP ?

Page 10

Le « djeun » de droite est très tendance : Reportage chez les jeunes UMP et UDF

Le scoop de Sam Ravi : La droite adroite… modérée

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