Du 21 au 22 avril

avril 2007
Souvenirs, souvenirs. Le triomphe de Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002 reste dans toutes les mémoires : la France, ce pays si prompt à donner des leçons au monde entier, était donc capable de hisser au second tour d’une élection présidentielle, un bonimenteur d’extrême-droite. Un électeur averti en vaut deux ? À moins de s’appeler Madame Irma, Monsieur Sofres, ou Mademoiselle Ipsos, nul ne peut dire ce qui sortira des urnes le 22 avril prochain. Rien n’interdit, cependant, de faire un constat. La crainte de revivre ce scénario, redonne une nouvelle vigueur, à gauche comme à droite, aux partisans du vote « utile ». Nicolas Sarkozy et surtout Ségolène Royal pourraient donc faire le plein, dès le premier tour, en rassemblant les voix des électeurs soucieux de ne pas rejouer en 2007 le même film qu’en 2002. Un souci d’efficacité, un réflexe de légitimité, qui auraient une conséquence curieuse : renforcer la bipolarisation de la vie politique française à l’heure où s’exprime, confusément, un grand désir de changement.

Le retour du refoulé. Le vieux dirigeant du Front National va peut-être pâtir, par un retour de bâton, du mauvais « 1er » tour qu’il a joué à la République il y a cinq ans. Mais une fois de plus, ses « idées » mènent le jeu. Nicolas Sarkozy drague ouvertement l’extrême-droite en présentant l’immigration comme une menace pour l’identité nationale. Ségolène Royal claironne « ordre juste » et Marseillaise en espérant ainsi répondre aux sirènes sécuritaires, au risque de les conforter. A en croire les instituts de sondages, les électeurs n’osent plus guère s’aventurer sur des chemins de traverse : il suffit de voir, l’impuissance que Nicolas Hulot et Dominique Voynet ont à faire entendre une cause écologique pourtant unanimement saluée. Où les difficultés que rencontre la « gauche antilibérale » – il est vrai minée par ses querelles de boutiques – pour placer la question sociale au centre des débats. Seul François Bayrou s’en tire mieux médiatiquement. Mais le succès virtuel du candidat de l’UDF relève d’une forme d’abstention, d’un vote protestataire sans protestation…

Faisons un rêve. Et si tout le monde oubliait les sondages, l’illusion de l’homme ou de la femme providentiels, les hypothèses stratégiques alambiquées, le second tour, le père Fouettard du Front national, la météo ? Si, au-delà de l’écume des petites phrases, de la personnification à outrance des enjeux, chaque citoyen se livrait à une lecture attentive des programmes et des stratégies proposées pour les appliquer ? Si les électeurs cessaient de consommer passivement le potage politique en devenant acteurs du débat ? Cette campagne, où déjà des choix bien différents se confrontent mais à demi-mot, prendrait alors un tout autre aspect. De quoi redonner sens au vote : une étape, parmi d’autres, pour prendre en main notre destinée collective. le Ravi

Infos § satire seront au rendez-vous du prochain numéro du Ravi chez les marchands de journaux dès le vendredi 6 avril. Ou, en remplissant le bulletin ci-dessous comme l’édito ci-dessus vous y invite avec finesse, dans votre boîte aux lettres !

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