Edito

décembre 2005
Joyeux couvre-feu !

Le marchand de sable est passé : les enfants vont faire dodo… Et tu vas pouvoir commencer, avec ta hotte sur le dos, au son des cloches des églises, ta distribution des surprises ! Oyez braves gens ! Dans les banlieues, la fumée s’est dissipée sur les voitures calcinées. L’état d’urgence est prorogé pour plusieurs semaines, autorisant les préfets à décréter si nécessaire le couvre-feu. L’essentiel est préservé : la sécurité des personnes et des biens, l’accès aux rues piétonnes et aux hypermarchés dans lesquels regorgent les jouets par milliers. Foires aux santons, chants traditionnels, vont égayer nos places publiques. C’est bientôt la belle nuit de Noël ! Puis l’heure viendra, très vite, des gueuletons de la nouvelle année. Alléluia !

Petit Jésus, Saint Nicolas et Saint Sylvestre nous rappellent – si nous risquions de l’oublier – l’omniprésence des références religieuses dans nos sociétés matérialistes. Il y a tout juste 100 ans, la France adoptait, le 8 décembre 1905, la fameuse loi relative à la séparation des Eglises et de l’Etat. Une sage décision inscrivant dans le droit la reconnaissance de « la liberté de conscience » ou de croyance tout en affirmant en même temps l’autonomie du politique à l’égard des religions. La propension, aujourd’hui, de certains élus à ethniciser et confessionnaliser toute chose est d’autant plus regrettable.

« Ce n’est pas le moment, face aux violences urbaines et à la montée de l’islam radical, d’installer en plein c?ur de Nice une terre d’Islam », a joyeusement dérapé le maire Jacques Peyrat, à propos d’une mosquée. Le ministre de l’Emploi, Gérard Larcher, et le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, lui avaient ouvert la voie en présentant la « polygamie » comme une cause de la crise des banlieues. Le message – à peine subliminal – est clair : les musulmans sont les casseurs qui ont failli gâcher nos fêtes de famille. Le recours à une loi, celle d’avril 1955, directement liée à la guerre d’Algérie, afin de tenter de maîtriser une crise dont les causes sont pourtant avant tout sociales, économiques et politiques, relève de l’acte manqué. Au mieux.

« Il faut décoloniser nos esprits », soulignait dans le Ravi, Nassera Benmarnia, directrice de l’Union des familles musulmanes des Bouches-du-Rhône (n°23, dossier « Algérie/Paca : je t’aime moi non plus »). Il serait temps de s’y employer en effet ! Ce qui n’implique aucune complaisance avec les jeunes qui, s’estimant être les « indigènes » d’une République indifférente ou hostile, ont mis le feu à des écoles.

Mais marquons la trêve des confiseurs. Cédez quelques instants au consumérisme. Offrez comme cadeaux des abonnements au Ravi. Et vive le vent ! Vive le vent d’hiver ! Boule de neige et jour de l’an, et bonne année grand-mère !

Le Ravi

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