L’Edito

février 2005

Edito

Si loin, si proche

« Je vous remercie de votre intérêt pour la réunion informelle des ministres de la Défense de l’Otan devant se dérouler à Nice les 9 et 10 février prochains. » Signé Colonel Annie Grimal. Au Ravi, ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit un message de l’armée française. Dans le pur style militaire, bref et tranchant. Mme le Colonel est chargée de mission « relations internationales » à la Dicod, Délégation à l’information et à la communication de la Défense. Nous cherchions à en savoir un peu plus sur le sommet de l’Otan à Nice, son ordre du jour, ses participants. Réponse à la mode blitzkrieg, tradition « grande muette » : vous pouvez vous faire accréditer et, d’ici là, consulter le site internet de l’Otan. Rompez !

La stratégie du pouvoir, civil ou militaire, lorsque se réunissent les puissants de ce monde, est désormais de se faire le plus discret possible. Le choix de Nice, pas franchement réputée pour être un carrefour international de la contestation, est réfléchi. Il sera en effet difficile, malgré le renfort des cars affrétés au départ de Marseille par le « mouvement anti-guerre », les alter mondialistes, et tous ceux que le bellicisme américain indigne, de perturber sérieusement le déroulement du sommet. Pur hasard, par contre : la quasi simultanéité de la solennelle rencontre avec le carnaval. De là à penser que les embrassades de Donald Rumsfeld, secrétaire à la défense US, et de son homologue française, Michèle Alliot-Marie, évoquent avant tout les épousailles de Cornipetant et de Merdaille …

Une conséquence majeure et inattendue de la réunion de l’Otan : cet éditorial qui, pour la première fois, évoque de lointains enjeux géostratégiques. Lecteurs de la presse quotidienne régionale, avez-vous remarqué ? Alors que sport et faits divers occupent invariablement les « Une » de la Provence, de Var matin ou de Nice matin, leurs éditoriaux sont le plus souvent consacrés à de grandes considérations de politique générale ou internationale. La vie est pleine de mystère. Serait-il plus aisé de disserter sur les joutes politiques parisiennes et les malheurs du monde que de questionner l’action des responsables locaux, de pointer des dysfonctionnements, des injustices, qui se déroulent à notre porte ? La proximité, à laquelle on voue un culte dans certaines rédactions, a visiblement ses limites. Ce qui est loin est parfois même paré de toutes les vertus.

Prenez Florence Aubenas, la correspondante de Libération disparue en Irak. Son probable enlèvement suscite une émotion, une indignation légitimes. Et une belle unanimité : les dirigeants des rédactions d’agences, des médias audiovisuels, et de la presse écrite se sont réunis pour témoigner leur solidarité. Mais aussi pour communier autour d’une figure, celle du grand reporter, personnage mythique et admiré d’une profession souvent décriée, en quête de légitimité. Les mêmes patrons de presse ne s’émeuvent guère de la précarité grandissante dans leurs rédactions, du recours systématisé aux « pigistes » et aux contrats précaires qui transforment les rédacteurs, déjà soumis à de nombreuses pressions, en prestataires de service récusables à volonté. Toutes choses qui conduisent à la « disparition » progressive des journalistes au profit des communicants. Faut-il mobiliser Reporters sans frontières pour les sauver ?

En attendant une intervention de l’Otan, la rédaction de TMC, pourtant sise à Monaco et non pas à Bagdad, semble avoir été prise en otage. Sinon, comment expliquer le lancement, le mois dernier, de l’émission dominicale « Notre Région » ? Tous les dimanche, à 20 h 30, elle se propose de nous « emmener à la découverte des territoires et des hommes qui font la région ». En réalité, durant 15 minutes, il s’agit d’un long clip à la gloire de l’action du Conseil régional. Premier « invité du jour » : Michel Vauzelle ! Le logo est identique à la « lettre de la Région » lancée au même moment par le service de communication de l’assemblée territoriale. Chaque séquence, au demeurant pédagogique et dynamique, décline avec complaisance l’action de la Région et de ses élus. Et qui présente cette émission avec un enthousiasme propre à faire passer un journal de France 3 pour un documentaire de Michael Moore ? Claude Bellei, le directeur de l’information de TMC. De quoi parlait-on déjà ? Ah oui ! Du carnaval…

Le Ravi

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