La Garde, conseil municipal du 19 juin 2006

juillet 2006
Tous les mois, un grand reporter du Ravi « teste » incognito un conseil municipal dans une ville ou un village de notre belle région...

13h58 A deux minutes de l’ouverture du conseil, les nombreux spectateurs qui ont envahi le hall de la mairie sont bloqués devant l’entrée de la salle par un policier municipal : une classe de CM1 a aujourd’hui la primauté des sièges du public. Un peu de jeunesse pour une séance qui se déroule à un horaire de retraités. Une journaliste de La Marseillaise exaspérée lance d’ailleurs à la cantonade : « C’est inadmissible de ne pas faire rentrer les personnes âgées ! » Peu touché par cet élan de solidarité, un homme d’un âge certain glisse à son voisin : « Y’en a marre de ces journalistes de gauche ! »

14h07 Les portes s’ouvrent sur une salle aux airs de tribunal populaire, où l’opposition fait face au maire UMP et à sa majorité disposée en arc de cercle. « Les enfants ont été placés intentionnellement sur les bancs des partisans de l’opposition », glisse un confrère de Var Matin. 32lopmasson.jpg 14h25 Avec près d’une demi-heure de retard, Jean-Louis Masson, le maire, regard sombre et visage fermé, et ses adjoints font leur entrée. 14h47 Après avoir fait part de son espoir que « le conseil ait une tenue digne en présence des enfants », Joël Canapa, conseiller municipal socialiste et vice-président du Conseil régional, lance les hostilités. « Vous prenez comme indicateur de votre gestion le montant de la dette, c’est logique, vous êtes des libéraux ! En attendant, la pression fiscale n’a pas cessé de croître depuis 2001. » Un « n’importe quoi » fuse des rangs des partisans de l’équipe municipale. Plus courtois, Marc Duquesne, adjoint aux finances, attend la fin de l’intervention de Joël Canapa et tente de mettre fin au débat par une pirouette : « Vous me direz ce que vous m’avez dit, et je vous répondrais ce que je vous ai déjà répondu. »

14h53 Michel Figarella ne l’entend pas de cette oreille et repart à l’offensive. « Je ne prendrai que deux chiffres. D’un côté, les frais de cérémonie, les frais divers et la communication représentent 5,5 millions d’euros ; de l’autre, le secours et l’aide aux familles 18 000 euros. C’est le reflet d’une politique de communication, de paillettes et de promotion personnelle, ce qui n’a rien à voir avec l’intérêt des Gardéens », insiste le conseiller communiste. Une attaque que Jean-louis Masson ne laisse pas passer. Malgré ses airs de pièce rapportée, et une voix lancinante un rien fatiguée, il contre : « Les aides sociales font partie du budget du CCAS et sont donc plus importantes que ça. On ne peut pas additionner des fleurs et des pommes de terre, comme on l’apprend en CM1. »

15h08 Mettant fin aux premières passes d’armes, l’ancien colonel de gendarmerie annonce le vote des « comptes du maire » (budget de la ville, eau et assainissement, Ndlr). A l’adresse des enfants, il précise : « Pour ne pas l’influencer, je me retire et laisse la présidence à M. Haslin. »

15h10 Marc Duquesne achève une nouvelle série de chiffres du bilan 2005, qu’il commence à mélanger, et propose une simplification du vote : « On part du principe que la majorité vote pour et l’opposition contre. Sauf… » « Si des élus de la majorité souhaitent nous rejoindre », le coupe goguenard le conseiller socialiste.

15h27 Les enfants sortent aussi discrètement que possible de la salle du conseil. Immédiatement, la moyenne d’âge du public prend une bonne trentaine d’années !

15h36 Jean-Louis Masson reprend sa place, apparemment pour le plus grand plaisir de Jean-Pierre Haslin, adjoint à la sécurité. Alors qu’il n’est pas encore assis, l’adjoint à la sécurité lance à son édile, enthousiaste : « M. le maire, on a tout voté 26 pour, 8 contre ! Bravo M. le maire. »

15h45 Un consensus se fait sur le financement de l’Âge d’or, une manifestation pour personnes âgées. Satisfait, comme à chaque fois qu’il y a unanimité, Jean-Louis Masson remercie l’ensemble du conseil. Refusant apparemment l’opposition de principe, socialistes et communistes délaissent l’abstention et votent pour ou contre les projets de la majorité.

16h22 L’atmosphère s’alourdie. Bien décidé depuis quelques minutes à profiter de la séance pour remettre sur la place publique le cas de Christine Zachiri – employée au service population de la mairie mise à pied, et réintégrée ce jour de conseil après avoir fait une courte grève de la faim, elle avait voulu protester contre la mise à pied durant trois mois, sans rémunération, de son mari (voir le Ravi n°31) – Joël Canpana profite de la délibération 37P02, qui propose la signature d’une convention de partenariat entre La Garde et l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addiction du Var (sic) pour tacler : « Ce serait bien que vous signiez une convention de prévention des conflits sociaux. »

16h23 Poussé par quelques réactions dans les rangs de la majorité, et un Jean-Louis Masson cette fois mal à l’aise, Jean-Pierre Haslin court immédiatement au secours de son édile. Revenant sur l’interdiction faite aux élus de l’opposition de franchir les portes de la mairie pour apporter leur soutien à l’employée municipale, il explique avec maladresse : « Elle faisait une grève de la faim, c’est exceptionnel. Le gardien devait s’en occuper en priorité. » Puis assure : « Tous les élus peuvent rentrer en mairie quand ils le souhaitent. » Aux anges, le vice-président du Conseil régional accuse : « Ca n’était pas le gardien qui nous a interdit d’entrer, mais les trois personnes derrières vous (le chef de cabinet du maire plus deux autres cadres de la mairie, Ndlr). Ce n’est pas une erreur, mais un acte intentionnel ! » Et, sournois, de conclure : « Que vous semblez désapprouver… » Sans sortir du flegme qu’il affiche depuis le début de la séance, comme du rôle de médiateur qu’il semble privilégier, Jean-Louis Masson tranche : « Je suis d’accord avec M. Haslin et avec vous, les élus doivent pouvoir venir en mairie quand ils le veulent. »

16h50 Après presque deux heures et demie, les délibérations commencent à s’enchaîner et le climat à s’adoucir. Toujours aux aguets, Joël Canpana tourne la page de l’ordre du jour de Madeleine Dobien-Savelli, sa colistière, sortie de la salle.

16h53 La table des journalistes est en ébullition. Le résultat vient de tomber sur les portables : la Suisse a dominé le Togo 2 à 0. « On est des brelles ! », lance atterré l’un d’eux. Puis, délaissant le conseil, tous se lancent dans des spéculations pour le dernier match des Bleus.

17h15 Jean-Louis Masson, portable à l’oreille, consulte ses messages. Pour la première fois de la séance, son visage se détend et il sourit franchement.

17h27 Dans une ambiance désormais bon enfant, le conseil s’octroie une dernière passe d’armes lors du vote de la délibération 63UGP01, relative à une zone d’aménagement concerté sur la commune. Michel Figarella en profite pour promettre une « offensive » sur le dossier du Plan local d’urbanisme (PLU). Jacques Vankerrebrouck, adjoint à l’urbanisme, contre immédiatement : « Je n’ai pas d’inquiétudes ». « Vous avez déjà fait le débat ? », le questionne amusé le conseiller communiste. « Je débats déjà avec moi-même et vous verrez, vous voterez pour », lui promet son collègue de la majorité, provoquant des rires chez les supporters de l’opposition.

17h43 Prenant un air de professeur satisfait de sa classe, Jean-Louis Masson lève la séance dans une ambiance de fin d’année scolaire, et conclut : « Merci pour la sérénité des débats et rendez-vous en septembre, après les vacances. »

Jean-François Poupelin

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