Morgan, refusnik du travail

septembre 2007
Et si le véritable luxe consistait à refuser de perdre sa vie à la gagner ?

« Je pars d’un principe très simple : chaque heure de ma vie m’est extrêmement précieuse. Si je la donne à un patron, elle est perdue. Je n’accepte donc pas de travailler. »

Morgan est « Rmiste » depuis ses 25 ans. Il n’a jamais cherché à monnayer ses trois années passées aux Beaux Arts ni sa formation d’infographiste, une expérience acquise lorsqu’il était objecteur de conscience. 07rv44trax_portrait.jpg « Je refuse d’entretenir un système que je hais : salarié, je me sentirais comme l’engrenage d’une société complètement absurde qui détruit tout sur son passage. Et je n’ai aucune envie de vendre mon travail en libéral. » Le choix d’un fils à papa aux arrières confortables ? « Mes parents étaient pauvres. Pré soixante-huitard, ils ont toujours refusé de travailler pour un patron. Mon père touche maintenant le minimum vieillesse. » Vivre avec 380 euros par mois, lorsque l’on vient de fêter ses 35 ans, est bien sûr une contrainte… « Mais se lever tous les matins pour aller au turbin, c’est encore bien pire. » Depuis que sa compagne Linda, qui prépare une thèse, touche un SMIC, les fins de mois sont un peu plus faciles. « Longtemps au RMI, elle partage mon refus du travail. Nous n’avons tous les deux aucun fantasme consumériste : ni voiture, ni ordinateur dernier cri. De quoi simplement se payer un coup dans les bars, un resto, un cinoche, des bouquins… » A aucun moment, même si les discours culpabilisateurs foisonnent, Morgan n’a le sentiment d’être un parasite. « Je triche en déclarant une fausse adresse pour mon RMI. Mais j’explique sans détour mon point de vue aux assistantes sociales. Je laisse ma place aux millions de chômeurs qui cherchent du travail ! Les assistés ne sont pas ceux que l’on croit. Les contribuables payent pour les entreprises qui prospèrent grâce à des emplois aidés. Mon revenu minimum, il est immédiatement absorbé par une société immobilière pour mon loyer et dans le supermarché du coin. Je ne capitalise pas ! » Reste que ne rien faire, c’est un véritable travail ! « Etre inactif cela s’apprend. On gère son temps, on se trouve des passions. Mais en vérité personne ne peut rester sans rien faire. L’ennui, c’est la maladie des gens qui vivent le travail comme une fuite et qui se sentent mal dès qu’ils en sont sevrés. » Et de fait, Morgan ne chôme pas : « J’aide volontiers des amis à faire de la maçonnerie, de la peinture. Je fabrique un logiciel de jeu qui sera complètement libre et gratuit, bien entendu… » Autant d’occasions de mener une vie sociale intense. « Mieux vaut discuter dans un bar avec des gens que de se retrouver avec des collègues de travail que l’on déteste. »

Morgan, aux sympathies libertaires, loupe rarement une « lutte ». Sans pour autant appartenir à une formation politique ou syndicale. « Les militants sont fatigants. » Aux discours, il préfère la valeur de l’exemple : « Le jour où l’on sera plus nombreux à agir comme moi, je ne donne pas cher au travail forcé. »

Michel Gairaud

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