Ces chasseurs qui veulent la peau du maire

août 2012
Un conflit pagnolesque anime le petit village perdu au milieu du Vaucluse. Des chasseurs ont en ligne de mire le maire qu’ils soupçonnent de petits arrangements avec… d’autres chasseurs.

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Classé parmi les cent plus beaux villages de France, rien ne trouble d’habitude la tranquillité de Venasque, à part quelques touristes venus se perdre au beau milieu des monts du Vaucluse, entre vignes et cerisiers. Mais depuis avril, on ne parle plus que des chasseurs de la Diane Venasquaise : une cinquantaine d’entre eux ont manifesté devant l’Eglise à Pâques, lors du rallye de Venasque ou pendant le ball-trap, avec vraies pancartes et vraies revendications… Ils sont entrés en guerre avec le maire, Gaby Bézert, élu depuis 1981, à qui ils reprochent une décision adoptée en conseil municipal en juin 2011, partageant la forêt communale de 1300 hectares en deux. Car il y a aussi deux catégories de chasseurs à Venasque : ceux de la Diane, « canal historique », et ceux de la Sereine (qui n’ont pas souhaité répondre au Ravi), du nom d’une nouvelle association, créée l’année dernière, et qui bénéficie donc à moitié de ce partage des droits de chasse.

« Inadmissible, selon Dany Neff, président de la Diane Venasquaise qui reçoit dans sa grande bastide. A l’époque de la décision municipale, la Sereine comptait quatre membres, dont trois de la même famille. Nous soupçonnons certaines collusions entre le maire et cette famille et nous ne l’acceptons pas. Le maire est un monarque, il se croit tout permis. » Pour eux, Venasque n’élit pas son premier édile mais ce dernier est « nommé » : sur les 900 votants inscrits, environ 150 ou 200 votants, selon les sources, sont issus de la communauté de Notre-Dame-de-Vie, un institut séculier, laïque consacré. « C’est sûr qu’ici, il vaut mieux les avoir dans la poche pour être élu, admet une habitante du village qui souhaite rester anonyme. Mais pour ce qui est de cette histoire de chasseurs, cela fait plus de quinze ans que cela dure, il y a toujours eu deux clans à s’affronter. Il fallait bien faire quelque chose. »

Le maire justement, deux jours après les premières récoltes de cerises, trie la marchandise dans la cour de son domicile, en face l’église. Soixante-quatorze ans, béret et salopette, il est pressé : « C’est vrai que ça fait plus de quinze ans que cela dure. La situation s’est envenimée. Il a été proposé de partager les jours de chasse. Ce que la Diane a refusé. Alors en accord avec le préfet, au titre de la sécurité publique, le partage géographique a été entériné à la majorité en conseil municipal. Ce n’est pas moi, seul, qui ai pris cette décision. » Engagé dans une procédure de diffamation suite à des banderoles l’accusant de corruption et affirmant avoir reçu des menaces de mort, le maire ne souhaite pas s’étendre. Les accusations de corruption ? Balayées d’un revers de la main.

« Ces histoires commencent à nous coûter cher, nous avons été déboutés par le tribunal administratif car la décision qui a été prise a respecté les règles administratives. Maintenant, ce qui peut nous sauver, c’est soit un coup de pouce du préfet (la préfecture, en période de réserve, n’a pas souhaité s’exprimer, ndlr) soit qu’un nouveau maire soit élu », conclut Dany Neff. Rancunes personnelles, règlements de compte, difficile de démêler le vrai du faux dans une belle querelle de clocher. Espérons seulement que les belligérants ne troquent pas leur chevrotine contre les Kalashnikov prisées dans les cités…

Clément Chassot

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