Irrintzina, en vert et contre tout !
Le Ravi et Fokus 21, c’est une vieille histoire. La première fois que le mensuel qui ne baisse pas les bras et ce « média citoyen créateur de liens » ont bossé ensemble, remonte au festival sur les monnaies alternatives, Festi’fric, pour lequel le Ravi avait tricoté un de ces suppléments dont on a désormais le secret. Et depuis, de débats en manifestations, du Cours Julien à la Corrèze, en passant par Tunis, nos routes n’ont cessé de se croiser.
Des liens qui délivrent, tant Pascal Hennequin et Sandra Blondel savent, avec habileté, manier micro, appareil photo et caméras pour transcender l’outil « médias ». Non pour se mettre, comme d’autres, en scène et en valeur. Mais, au contraire, en s’effaçant sans jamais être absents, pour faire entendre d’autres voix et en montrer d’autres. C’est ce qu’ils ont fait, un an durant, profitant des subsides du ministère de la culture en faveur des « médias de proximité » avec l’émission Toile de Mars, depuis leur fief marseillais de l’Equitable Café. Et c’est le travail qu’ils poursuivent avec « Irrinztina », documentaire encore en jachère relatant la bataille qui se joue autour de la question du climat.
« Sans les médias libres, citoyens, pas pareils… ce film n’aurait jamais existé, racontent-ils. Pas seulement parce que, grâce à leur aide, ils nous ont permis de le faire. Mais aussi parce que c’est à l’occasion d’une réunion de la fédération des vidéos de pays et de quartier – aujourd’hui, la fédération de l’audiovisuel participatif – que l’on a découvert, du côté de Bayonne, Alternatiba. »
Et c’est ainsi que des Marseillais s’empareront d’un mouvement né au pays basque, allant même jusqu’à faire partie des principaux artisans de l’Alternatib’aïoli, la version « phocéenne » du village des alternatives face à l’urgence climatique. En vert et contre tout ! A commencer par le refus de Jean-Claude Gaudin d’entendre parler dans sa ville et plus particulièrement sur sa principale artère, la Canebière, d’environnement. En parallèle, Pascal et Sandra suivront le tour de France d’Alternatiba jusqu’à Paris – et même au-delà – pour la Cop 21.
« D’ordinaire, un documentaire, c’est un regard extérieur. C’est aussi quelque chose de très lent, qui nécessite des mois de préparation, de documentation. Et je ne parle même pas des dossiers à monter auprès du CNC. Là, on a fait tout l’inverse », sourit Sandra. Mais comme le rappelle Pascal, « dès le début, on a créé Fokus 21 parce que, d’un côté, on filmait des alternatives et, de l’autre, on organisait des évènements pour les faire connaître ».
Ces médiaktivistes ont pu compter sur leurs pairs pour construire un film qui, à l’instar de l’Irrintzina, ce cri qui retentit de colline en colline au pays basque, part d’Alternatiba, grimpe jusqu’à la Cop 21, et rebondit jusqu’au contre-sommet à Pau où des centaines de militants prônant la non-violence active et la désobéissance civile parviendront à bloquer les discussions des pétroliers et autres adeptes des énergies fossiles. « Tout au long du tournage, on s’est appuyé sur un réseau que l’on s’est constitué au fur et à mesure de notre périple, des Basques à Side Ways en passant par Com’Etik, O2zone, Airelles Vidéo ou encore l’Alter JT. Petit à petit, on a tissé notre toile. »
En attendant la version finale d’un film qui compte, pour se financer et pour se diffuser autant sur les réseaux militants que sur un crowdfunding qui lui permettra d’être distribué en salles, à l’arrivée et à l’aune d’une première séquence consacrée au contre-sommet à Pau, le résultat est impressionnant : la caméra parvenant à saisir autant la préparation minutieuse et méthodique des activistes climatiques qu’à plonger au cœur des affrontements entre ces derniers et les forces de l’ordre. Un film coup de poing. Et une belle démonstration de force.
Sébastien Boistel
Article publié dans le Ravi n°145 en novembre 2016