Si j’étais président

avril 2012

Et si vous aviez le pouvoir, qu’en feriez-vous ? Entre présidentielle et législatives, l’exercice de politique fiction auquel nous avons soumis un panel rigoureusement non représentatif en dit long sur notre rapport à la démocratie, à la délégation, à l’engagement. Ou au dégagement…

ravi_96_unelight.jpgImaginez la scène. La p’tite équipe du Ravi est rassemblée lors d’une conférence de rédaction pour préparer le journal publié entre le 1er et le 2ème tour de la présidentielle, puis diffusé chez les marchands de journaux lors des premières semaines de la campagne des législatives. Le contenu du numéro suivant est déjà calé. Pour celui-là, c’est simple ! Avant l’élection de la nouvelle Assemblée nationale, « le mensuel qui ne lâche jamais les élus régionaux », va bien entendu enquêter de près, à sa façon, sur les députés sortants et sur les candidats qui rêvent de les remplacer.

Mais comment parler de la présidentielle ? Que dire sur cet étrange exercice collectif où sept hommes et trois femmes, puis deux seulement, focalisent les attentes et les rejets de tout un pays ? Les programmes sont en ligne, les affiches couvrent les murs, les spots empesés occupent les antennes, les meetings font le plein jusque dans la rue, les commentaires des analystes « avisés » tournent en boucle sur les médias de masse, les sondeurs nous inondent de leurs projections, renforçant l’illusion que l’affaire est déjà pliée avant d’avoir même commencée…

Et si on demandait simplement à des inconnus ce qu’ils feraient du pouvoir ? La proposition est d’abord repoussée. Autant inviter Jean-Pierre Pernaut à nous donner un coup de main pour des micros-trottoirs ! Et puis l’idée, chassée par la grande porte, revient avec insistance par la fenêtre. Le malaise, avec la désignation tous les cinq ans du chef de l’Etat, c’est justement la persistance d’un ordre politique où la plèbe est appelée à couronner un monarque républicain. Alors, in fine, on assume : reprenons donc toute l’histoire à la base et allons joyeusement tchatcher avec les gens de peu !

Gérard Lenorman, l’éternel petit prince illuminé, avait donc raison ! « Si j’étais président de la République » est bel et bien « une phrase magique ». A peine prononcée auprès de notre panel rigoureusement non représentatif, les langues se délient. Et, parmi des considérations parfois dignes du café du commerce (il ne faut quand même pas pousser mémé dans l’urne !), parfois même nauséabondes, comme dans la vraie vie où nombre d’électeurs plébiscitent l’extrême droite ou la droite extrême, surgissent presque toujours quelques pépites qui en disent long sur notre rapport à la démocratie, à la délégation, à l’engagement. Ou au dégagement…

Quel rapport entre Lauriane, 17 ans, lycéenne, qui juge « inadmissible que les biens publics soient privatisés » et Jean, 89 ans, qui veut « descendre dans la rue, faire des assemblées, et mettre tout sur la table » ? Une sacré pêche et une envie, naissante ou préservée, de prendre les problèmes en main. Tout n’est donc pas perdu. Nous vous laissons rencontrer par vous-même nos présidents. Et laissons le dernier mot à Guy, paysan rebelle : « Si j’étais président ? Il n’y aurait plus de président ! »

Michel Gairaud

Imprimer