« Bolloré, hélas, tout le monde s’en fout ! »
Les trublions de M’ouais, journal anarcho-dubitatif niçois, ont organisé en 2021, dans l’arrière-pays de la ville de Christian « motodidacte » Estrosi, les 1ères assises transnationales et intergalactiques de la presse libre, satirique et indépendante. Là, avant la deuxième édition des assises de la « PPP » prévues les 4 et 5 juin, ils ont organisé fin mars les « PPP-PPP », les « pré-assises présidentielles de la presse pas pareille ». De retour de ce week-end studieux, Philémon « Macko » Dragan revient sur ces rencontres. Entretien.
Avant les assises de la « PPP », comment est née cette idée de « PPP-PPP » ?
De rencontres, notamment au festival des passeurs d’Humanités auquel on participe dans la vallée de la Roya. Et en particulier avec les gens de la librairie parisienne du Monte-en-l’air. Qui, non seulement, comptent bien venir aux prochaines assises, mais ont accepté d’accueillir ces pré-assises que l’on voulait organiser juste avant la présidentielle afin que la question médiatique soit présente dans une séquence où elle brille par son absence. Certes, il y a le film de Mediapart, Media Crash, le collectif « Stop Bolloré » ou la pétition que le Ravi a lancée, mais, concrètement, dans la période électorale, malheureusement, Bolloré, tout le monde s’en fout !
L’envie était aussi d’organiser un événement à Paris ?
Oui. Car, à part nous et un représentant de La mule – un média montpelliérain – c’était des rencontres parisiano-parisiennes. Notamment avec plusieurs représentants de Mediapart, Socialter, mais aussi Samuel Gontier qui, avec sa chronique « Ma vie au poste » à Télérama, rend compte de ce qu’est la « télé poubelle » et comment se diffuse le modèle CNews. Il y avait aussi Le Chiffon, un journal d’enquête de quartier à Paris et No Go Zone, basé, lui, à Saint-Denis… C’est clair qu’il y a, même au sein de la presse et des médias indépendants, une distinction entre les médias parisiens et ceux de « province ». Il y a des médias parisiens centrés sur un quartier qui diffusent autant que nos médias basés, eux, sur une ville ! Et, à Paris, on a affaire à des médias où l’on trouve plus de journalistes passés par les écoles alors qu’en province, on a des parcours plus divers, peut-être plus militants.
Concrètement, comment ces assises se sont déroulées ?
On a voulu remettre au centre des débats l’importance de la question des médias. Car, à part peut-être du côté des Insoumis ou du PC, personne n’en fait une préoccupation politique. Comme en Amérique latine où l’on a vu des pays décider que le paysage médiatique se partagerait entre un tiers de médias privés, un tiers de médias publics et un tiers de médias « communautaires »…
Nicolas Dupont-Aignan, de Debout la France, vient de lancer : « Éteignez la télé, allumez vos cerveaux »…
Il y a effectivement une critique d’extrême droite des médias. Elle est passablement absurde lorsqu’on voit un Zemmour critiquer les médias et les journalistes alors que, partout, on lui déroule le tapis rouge ! C’est la critique de gauche, celle portée par exemple par une association comme Acrimed, qui est beaucoup moins audible. Or, elle dit l’importance du pluralisme, de nos médias. Qui, on l’a vu durant ses assises, sont souvent les seuls à porter des questions comme l’écologie ou le féminisme. Voilà d’ailleurs pourquoi on va annoncer, lors des prochaines assises, le lancement d’un syndicat de la presse libre et des journalistes indépendants. Car bien des journalistes au sein de nos médias sont des bénévoles ou des militants et ne peuvent prétendre à la carte de presse. Or, on a plus de points communs avec les gilets jaunes dont on couvre les manifestations qu’avec un Christophe Barbier ! Et puis, s’il y a des syndicats d’éditeurs, ils ne disent rien de la ligne éditoriale. Et de notre force de frappe. Car, si on regarde la carte de la presse « pas pareille » publiée par L’Age de faire, on compte près de 200 médias. Avec une petite dizaine de personnes par titre, cela représente une force de frappe non négligeable face à un Bolloré !