Moi George Clooney, pilier de Var

juin 2021 | PAR Sébastien Boistel
le Ravi, qui n'est pas le dernier côté débits de boisson, s’est déguisé en garçon de café pour assister à la reconversion de George Clooney en vigneron dans le Var.

Hey George ! Tu nous mets un café ?!

« What else ? » (1) ricane Jean Dujardin. Rires gras de l’assemblée : autour de la table, qui profite de l’ombre de la superbe bastide du domaine du Canadel à Brignoles, paressent les copains vignerons et désormais voisins de George Clooney, Brad Pitt, George Lucas et John Malkovich, chacun ayant amené une bouteille de son domaine.

Brrrrrrrrrrrr…. Le bruit caractéristique de la cafetière à capsule made in Nestlé vient troubler la quiétude de l’arrière-pays varois. Mais voilà que la machine hoquette. Manque d’eau ? Capsule coincée de travers ? Brad, George et John s’impatientent tandis que Jean en rajoute une couche : « George ? C’est un grand déclooneur ! » (2)

– Vous vous êtes crus chez Starbucks ? Y a pas écrit Planet Hollywood ! Si ça va pas assez vite, vous n’avez qu’à vous le faire vous-mêmes, votre p… de café ! Ah je le retiens, le maire de Brignoles : « George Clooney est surtout venu chercher la tranquillité. » (3)

10 millions d’euros, ça fait cher le havre de paix. Mais bon, le parc de mon manoir anglais à 13 millions lui, est régulièrement inondé par la Tamise. Ici, aucun risque. Et puis, une bastide provençale de 900 m2 sur un domaine de 172 hectares, avec piscine, lac, terrain de tennis et de pétanque et 10 hectares de vigne, faut c’qui faut ! Sauf que la vente est déjà contestée. Un autre acheteur prétend que le domaine a déjà été vendu en août ! Comme l’a raconté son avocat : « Pour le cas où le vendeur passerait outre et vendrait le bien à M. Clooney, il règnera une incertitude sur le bien immobilier tant que le tribunal judiciaire de Draguignan n’aura pas tranché. » (4) Et puis, le voisinage est un peu envahissant…

Faute de café, John débouche une nouvelle bouteille de son vin bio, les Quelles de la Coste. Et raconte sa folle nuit avec Depardieu : « On a bu, on a bu, on a bu… » (5) Avant de conseiller à son hôte de déménager vers chez lui : « Le Luberon est tout l’opposé d’Hollywood : authentique et touchant. Les gens d’ici nous ont permis de vivre une vie discrète. » (6) George Lucas, lui, commence à démonter la cafetière comme s’il s’agissait d’un vulgaire droïde avec des bruits de sabre-laser tandis que Brad console son copain à sa manière : « Welcome to Fight Club ! The first rule is… » (7)

« Pas question que je boive seul ! »

Ah, Brad ! Pitre ! Lâche-nous avec ton nihilisme à la noix. Et toi, John, j’adorerais me glisser dans ta peau. Mais « voilà le topo : on va s’assoir, on va boire un verre, on va boire un tas de verres… Allez, c’est moi qui régale ! Amis de la gnôle, la gnôle vous appelle ! » (8) Ça, c’est mon picrate ! Désolé, c’est en cubi mais pour l’heure, le vin de mon domaine, il va à la coopérative. Et j’sais pas encore c’que j’vais faire. Mais ça semble pas avoir beaucoup d’importance. Comme l’a dit le patron de l’AOC Coteaux varois, « en achetant sur nos terres, c’est sûr que [je vais] devenir un nouvel ambassadeur de l’AOC ». (3)

Quoi, Brad ? Ah, dirait Angelina, c’est pas joli-joli. J’ai beau avoir commencé en jouant dans Le retour des tomates tueuses, j’vais pas faire maraîcher ! Ni médecin de campagne parce que ma carrière a décollé avec Urgences ! Bon, c’est vrai qu’avec le confinement, je me suis gentiment fait ch… : « Comme la plupart des gens, je lave 5 kg de lessive par jour, je fais la vaisselle, je passe la serpillère, change des couches…. Celles de mes enfants, pas les miennes ! » (9) « Je me suis moi-même mis à coudre […] Si on devait aller sur une île abandonnée et qu’il fallait choisir quelqu’un pour survivre, prenez-moi ! Demandez à tous mes amis, je sais tout faire ! » (10)

– Sauf le café ! lance, du jardin, Jean, pas avare en blagues de m… Une claquette rageusement projetée lui frôle l’occiput. « Tu n’apprends rien si tu ne rencontres que des succès. On apprend en se plantant, en expérimentant, en essayant de nouvelles choses. » (11) Et faut être lucide. J’ai beau être le copain d’Obama, c’est pas dans le Var que je vais faire le gauchiste ! Ici, le Darfour, c’est un supermarché ! Et c’est pas non plus parce qu’on est à Facholand que je vais jouer les justiciers façon Batman : « J’ai réussi à mener une carrière décente sans avoir à renfiler ce stupide costume à tétons, donc je vais nous épargner ça […] Je crois que je suis le seul à avoir fait un flop avec ce personnage ! » (11)

– Tu as besoin de soutien, George ? tente John (rires pâteux).

Euh, John, on est à Brignoles ! Le pays de Josette Pons (12), là où le FN l’avait emporté à la faveur d’une cantonale partielle (13). Alors on va éviter les liaisons dangereuses (sourires entendus). « En vieillissant, on commence à s’interroger sur la façon dont on a mené sa vie. Alors qu’avant, je m’intéressais surtout à la manière dont je menais ma carrière. Est-ce que je fais les bons choix ? Comment se souviendra-t-on de moi ? Des questions qui paraissent franchement dérisoires avec l’âge. » (11)

George (Lucas) abandonne la cafetière, entièrement désossée, et, après une rasade de Château Marguï, son vin made in Skywalker Vineyards, s’attaque au transistor qu’il regarde, intrigué. La radio s’allume. Et, bloquée sur Chante France, se met à crachoter le tube de Licence IV : « Viens boire un petit coup à la maison » !

P… ! Mais c’est ça l’idée ! In vino veritas. « Jouer la comédie, c’était pour payer le loyer et là, je viens de vendre ma compagnie de tequila pour un milliard de dollars ! » (14) Et notez que « la vigne permet de recycler les gains de la cession d’une entreprise pour les défiscaliser » (15). Le pif, y a qu’ça d’vrai ! Remarquez, du pif, j’en ai : mon prochain film s’appelle Tender Bar. Et j’ai pas fait de la pub que pour du café. Mais aussi pour Martini ! Allez les mecs, on arrête les conneries, on se lance et on ouvre un troquet ! On a du vin, à peu près tous la soixantaine et un humour de merde ! Et puis, avec le déconfinement, c’est l’idéal. Vous avez vu comment les terrasses sont blindées ?! Pour le nom, on va pas s’emmerder. Non, le Titty Twister (8), à l’heure de #MeToo, on va éviter. « Chez George », ça claque, non ?! What else ? On trinque ! Si, si, j’insiste ! Tendez vos verres parce qu’« il n’est pas question que je boive seul » (8).  Bon, allez, « good night & good luck » ! (16)

1. Le célèbre slogan immortalisé par Clooney pour Nespresso et qu’a repris Jean Dujardin à l’occasion d’une pub où les deux acteurs se disputent une ultime capsule.

2. Europe 1, 28 novembre 2014.

3. France Bleu Provence, 28 avril 2021.

4. La Provence, 10 mai 2021.

5. Europe 1, 5 novembre 2014.

6. La Provence, 26 janvier 2021.

7. La fameuse tirade du film éponyme Fight Club.

8. Une des répliques les plus piquantes de George Clooney dans Une nuit en enfer au moment de son arrivée avec Quentin Tarantino et Harvey Keitel dans le saloon mortel qu’est le Titty Twister

9. Le Parisien, 21 décembre 2020.

10. Le Point, 5 février 2021.

11. Première, 23 décembre 2020.

12. Ancienne maire LR de Brignoles et ex-députée, c’est aussi, au regard de ses responsabilités au sein de l’Odel Var et de son implication dans le bras de fer judiciaire avec le Ravi, une des grandes copines du mensuel qui ne baisse jamais les bras.

13. le Ravi n°112.

14. Gala, 6 novembre 2017

15. Terres de vin, 16 mai 2021

16. Titre d’un des premiers films réalisés par Clooney, littéralement « bonne nuit et bonne chance ».