Le travail, c’est pas la santé

novembre 2020 | PAR Clément Chassot
Les accidents du travail et les maladies professionnelles, sous-déclarées, font de nombreuses victimes...

Ils ne représentent officiellement « que » 0,3 % des décès en Paca. Mais tout de même, 121 personnes sont mortes en 2018 d’un accident du travail : 46 sur le lieu de travail, 44 lors de trajets pour aller au turbin et 31 des suites d’une maladie professionnelle (le plus souvent à cause de l’amiante.) Le secteur le plus exposé est celui de la construction et des travaux publics (BTP) avec 16 décès, causés la plupart du temps par des chutes. « Ce secteur, plutôt fort dans la région, représente un quart des accidents graves et des morts au travail », précise Christian Expert. Un véritable expert puisqu’il est médecin du travail dans le domaine du BTP à Nice et vice-président de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à la sécurité sociale.

Il précise que les intérimaires, largement recrutés dans le BTP, sont les plus victimes des accidents du travail, effets collatéraux de la sous-traitance. Pour Frédéric Mau, membre de la CGT en charge des questions de santé au travail, au niveau national, les accidents mortels dans le BTP représentent « 200 morts par an et 5 000 invalides, bien plus que les estimations de la caisse nationale d’assurance maladie. C’est un carnage invisible et gratuit ». Christian Expert reste dubitatif sur les cas de non-déclaration de mort au travail car « difficiles à cacher » mais insiste sur les probables fortes sous-déclarations des maladies professionnelles. Et indique aussi que dans le cas de travailleurs détachés ou de très grosses entreprises, de l’argent est proposé aux familles pour étouffer l’affaire…

Un autre secteur est concerné, l’agriculture. Machines, expositions aux pesticides… Mais encore une fois, ce sont les plus précaires qui douillent. Ce mois d’octobre, une jeune femme de 32 ans est morte asphyxiée dans son van par les vapeurs d’un chauffage défectueux. Elle cueillait des pommes à la Motte-du-Caire (04). « Il ne faut pas faire de généralité, mais selon le témoignage des saisonniers, les conditions d’accueil et de travail sont de pire en pire. On hébergeait plus il y a quelques années, maintenant c’est « démerde-toi » par exemple dans ce cas-là », regrette Olivier Bel, porte parole régional de la Confédération paysanne. Les spécialistes s’accordent à dire que l’Inspection du travail dispose de moins de moyens depuis dix ans. D’où le grincement de Frédéric Mau : « Une boîte a autant de chances de se faire contrôler que de gagner au loto »…