Des athées discriminés

mai 2006
Toujours prompt à draguer les communautés et leurs représentants religieux, nos élus en oublient souvent une, et de loin la plus importante, celle des agnostiques et des athées. Au point que ces derniers se demandent si un petit cours de rattrapage sur la loi 1905 ne serait pas bienvenu.

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« 25 à 40 % des Français se déclarent sans religion, et ils ne sont pas respectés simplement parce que les politiques pensent que les croyants sont les plus nombreux et qu’ils veulent les avoir dans leur camp ! » Responsable du réseau Laïcité et Libre pensée du Midi, un regroupement d’associations laïques et rationalistes et de quelques centaines de personnes, Philippe Isnard fulmine. Selon lui, les responsables politiques régionaux sont timorés dans leur façon de faire respecter la loi sur la séparation de l’église et de l’Etat. S’il admet que les agnostiques ont du mal à se mobiliser en-dehors de grands événements (la venue de Jean-Paul II en 1996 par exemple), il n’accepte cependant pas la remise en cause de ce qu’il considère comme « un élément consubstantiel à la république ». La course entre la mairie de Marseille et le Conseil général à la plus grosse contribution pour rénover Notre Dame de la Garde est d’ailleurs pour le militant le parfait exemple de dérapages.

Un discours qui semble avoir du mal à passer auprès des élus, de droite comme de gauche. « Les hommes politiques se soucient peu de ce que les laïcs pensent en général », regrette ainsi Toni Prima, secrétaire général des Bouches-du-Rhône de la Ligue de l’enseignement. Mouvement d’éducation populaire impliqué dans la défense de la laïcité, il gère plus de 600 structures publiques (crèches, centres sociaux, maisons pour tous…) dans le département. Une activité qui prouve, selon lui, que les politiques prennent en considération le travail et les idées affichées par la Ligue. « Bien que nous représentions une certaine force sociale, nos tutelles, les communes et le département, font quand même plus attention à nos actions qu’à nos prises de paroles », regrette-t-il toutefois.

« Que ce soit sur l’école, sur l’éducation, nos conditions de travail ou encore le sort fait aux sans-papiers, nous aimerions être entendus », assure ce directeur d’école à la retraite qui se définit comme un « penseur libre plutôt qu’un libre penseur ». A l’en croire, le clientélisme des élus semble trop difficile à contrer. « Qu’ils soient de droite ou de gauche, la plupart se réclament de la laïcité. Mais une fois qu’ils sont dans leurs hémicycles ou sur le terrain, ils font l’exact contraire de leurs convictions », regrette pour sa part Philippe Isnard. Le responsable de « Laïcité et Libre Pensée du Midi » conteste à ce titre la subvention accordée par le Conseil régional au CRCM (Conseil régional du culte musulman) comme toutes celles accordées aux écoles et associations confessionnelles. Mais les bondieuseries prendraient des formes de plus en plus banales. « En ce moment, sous couvert de la tradition, les processions font leur grand retour dans les fêtes de village, le plus souvent sous l’impulsion des élus », s’indigne le militant. A croire que les politiques ont plus besoin que les citoyens d’être éduqués à la laïcité ! » Si l’idée est séduisante, elle ne semble cependant pas suffisante à Toni Prima. Le souffle du saint esprit ne serait en effet pas près de s’apaiser. « Bien que je n’attache pas beaucoup d’importance aux commémorations, celle du centenaire de la loi de 1905 est symptomatique. Il a fallu presque la célébrer en cachette parce que des politiques en profitaient pour la remettre en question », constate-il amèrement.

Jean-François Poupelin

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