Procès bâillons contre le Ravi : deux relaxes et une condamnation

janvier 2019 | PAR Michel Gairaud
L’issue de l’acharnement de l’Odel Var contre le Ravi est contrastée. Côté face : un procès gagné. Côté pile : une deuxième affaire en appel qui se solde par une relaxe et une condamnation avec sursis. Avant un ultime pourvoi en cassation ?

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La justice n’est pas un long fleuve tranquille. Ni une science exacte. Dans les deux procédures bâillons engagées par l’Odel Var contre le Ravi, afin d’entraver notre liberté d’informer, l’issue est contrastée. Concernant l’article « [De l’Odel sous les ponts] » publié en février 2018 (Cf le Ravi n°159), le jugement du Tribunal de Draguignan (83) prononcé le 19 décembre dernier, nous donne raison sur toute la ligne. Nous vous avions parlé de cette bonne nouvelle (Cf le Ravi n°169, janvier 2019). La lecture détaillée du délibéré, que nous avons depuis reçu, est franchement réjouissante.

Contrairement à ce que voulaient démontrer l’Odel Var et sa directrice des ressources humaines, notre enquête sur les curieuses pratiques au sein de cet organisme parapublic gérant des centres de loisirs, n’avait donc strictement rien de diffamatoire. Le tribunal est catégorique : « Madame Rouchard qui a rédigé l’article est journaliste au Ravi depuis 2012. Elle a mené une enquête sérieuse, équilibrée sur la base d’informations vérifiées et apparentes, notamment les fiches de paye de madame Sporano (la DRH, Ndlr), et elle a contacté l’Odel qui a refusé de lui répondre. » Il était donc notamment légitime de révéler que Magali Sparano, la DRH qui portait plainte au côté de l’Odel Var, a pu racheter à son employeur un véhicule de fonction au quart de sa valeur.

Le tribunal de Draguignan insiste également sur un point essentiel pour notre publication dont la ligne éditoriale conjugue le goût pour la satire et celui pour un journalisme rigoureux dédié à l’enquête : « L’humour peut être analysé sous l’angle de la bonne foi lorsque le ton adopté est ironique et tel est le cas en l’espèce pour « l’Odel c’est vraiment le royaume des bonnes affaires » (…), la caricature est le propre d’un journal satirique. » Bref, actant « la légitimité du but poursuivi », « la qualité de l’enquête », nous avons donc été relaxés. L’Odel Var ainsi que sa DRH ont été condamnés à nous verser au total 2000 euros de frais de procédures.

Le résultat est plus contrasté concernant l’autre procédure-bâillon initiée par l’Odel Var contre le Ravi. Marc Lauriol son directeur, par ailleurs élu LR, n’avait pas non plus aimé l’enquête « les élus d’abord, les enfants après » (Cf le Ravi n°151, mai 2017). Le 10 décembre durant l’audience devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence l’avocat général a souligné « la bonne foi » de Samantha Rouchard, notre journaliste : « quand on lit attentivement l’article, il contient des éléments qui viennent accréditer les allégations sur l’Odel Var. » Il a aussi estimé que qualifier ce dernier de pieuvre « n’est pas particulièrement diffamatoire ». Mais par contre, une analyse concernant les motivations de la candidature de Marc Lauriol aux législatives, lui a semblé manquer un peu de retenue.

Le lundi 28 janvier nous avons eu connaissance oralement du délibéré de la Cour d’appel. Côté face : Samantha Rouchard est relaxée. De quoi lui donner l’élan nécessaire pour rédiger avec irrévérence de nouvelles enquêtes. Et pourquoi pas sur l’Odel Var alors qu’un rapport cinglant de la Chambre régionale des comptes, curieusement peu relayé par la « grande » presse, a alerté sur de nombreux dysfonctionnements ? Côté pile : le Ravi, par l’intermédiaire de son directeur de la publication, a été condamné à 2000 euros avec sursis ainsi qu’à 2800 euros de frais de justice à verser aux parties civiles. Bien sûr on est très loin des 30 000 euros réclamés par les plaignants ! Et si l’addition est moins salée qu’en première instance, le compte n’y est toujours pas.

Nous connaîtrons d’ici trois semaines les motivations précises et détaillées du jugement de la Cour d’appel. Mais il va nous falloir pourtant sans attendre, d’ici fin février, soit acter un ultime recours devant la cour de cassation, soit nous contenter de cette décision en demi-teinte. Sur le principe, il n’y a pas de doute. Tout en reconnaissant avoir peut-être manqué de prudence sur telle ou telle formulation (concernant l’expression et non le fond), nous réaffirmons notre bonne foi et la légitimité de l’enquête. Nous déplorons l’attitude de l’Odel Var et de ses dirigeants consistant à refuser de répondre à nos questions, à ne pas recourir à des droits de réponse ainsi que leur empressement à nous faire des procès.

Nous ne sommes pas sûrs d’être en capacité d’assumer le poids financier d’un recours en cassation. Nos frais d’avocats dépassent déjà, après deux ans de procédures, 10 000 euros. Mais nous sommes certains que vous seuls, avec vos abonnements et vos dons, pouvez nous rendre justice !