CBD : l'arrêté parti en fumée

février 2022 | PAR Justin de Gonzague
Le Conseil d’État a suspendu l'interdiction de la vente des fleurs de CBD. Toute une filière est maintenant en attente d'une décision sur le fond. Explications de Justin de Gonzague, de l'Ekonature à Marseille.

« Les fleurs et les feuilles des variétés Cannabis sativa L, ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre. Sont notamment interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation. »

Ces quelques ligne sont issues de l’article 1 alinéa 2 de l’arrêté du 30 décembre 2021 concernant la règlementation du marché du CBD en France promulgué par le gouvernement sous la férule du ministre de l’Intérieur, j’ai nommé M. Darmanin Gérald.

En tant que professionnel et acteur du marché du CBD thérapeutique nous n’étions pas spécifiquement impactés par ce décret car la vente de fleurs de CBD ne constitue pas le cœur de notre stratégie commerciale : à peine 10% de nos ventes au Stilla Store de Marseille. A contrario de notre modèle, nous avons pu constater une tension sur le marché des magasins de CBD qui axent leur modèle économique quasi exclusivement sur la vente de fleurs. En effet, en moyenne, la fleur représente 50 à 70 % du chiffre d’affaires de ce type de structures.

Ces magasins dans leur grande majorité n’ayant aucune représentation syndicale, la panique provoquée par un tel arrêté a convaincu certains de mettre la clef sous la porte. Avec le soutien des syndicats des métiers du chanvre qui vient d’obtenir du Conseil d’État la suspension provisoire dudit arrêté du 30 décembre 2021, l’horizon des commerces de vente de produits à base de phytocannabinoïdes s’éclaircit quelque peu mais ceci n’est peut-être que provisoire.

A vrai dire, cet arrêté est un marronnier législatif et électoral. En somme, une loi d’affichage qui permet à l’inénarrable chef de la place Beauvau de confondre dans la conscience collective des Français le cannabis considéré comme stupéfiant et le CBD que la Cour de justice européenne ne considère pas comme un produit stupéfiant mais comme une molécule relaxante et donc, en permet l’usage médicinal, thérapeutique et récréatif sous sa forme florale ainsi que transformée.

Les gouvernements Macron successifs avaient 5 ans pour légiférer sur le CBD en France. Mais force est de constater que nous n’avons pas fini avec les recours, les suspensions et autres arrêtés de façade tant cette question de réglementation du CBD, et plus largement la question de la dépénalisation du cannabis, constitue une question politique périlleuse pour celle ou celui qui osera l’afficher dans son programme.

Cette appréhension du traitement de la question du cannabis et du chanvre thérapeutique par nos politiques est révélatrice d’une déconnexion entre le pouvoir politique et la société. Le CBD et le THC sont en ce moment même testés dans les hôpitaux de France et de Navarre en direction des personnes souffrant de cancer, sclérose en plaque, leucémie et j’en passe. Tous les jours dans notre magasin Stilla Store Marseille des personnes souffrant de bipolarité, de troubles autistiques, de stress, d’angoisse, de troubles du sommeil, de troubles musculo-squelettiques, se procurent nos huiles thérapeutiques, nos tisanes, nos fleurs issues de l’agriculture biologique. Certains d’entre eux sont envoyés par leur médecin, leur psychologue ou neurologue, quant à d’autres ils, elles veulent tout simplement arrêter la consommation du cannabis. Car elle est cause chez eux d’irritabilité, de nervosité, d’anxiété chronique…

À la lumière de ce manque de perspective politique s’agissant de la thérapie par le CBD et plus globalement de la question de la gestion politique des effets bénéfiques ou néfastes des phytocannabinoïdes dans notre société, le Stilla Store Ekonature de Marseille organisera le 18 février dans ses locaux un rendez-vous autour de cette problématique de santé publique. Les politiques, les citoyens, les policiers, les journalistes, les acteurs du marché du CBD sont conviés à mettre ce sujet sur la table sous la forme de tables rondes. Ces débats et cette rencontre seront écoutables en podcast pour que le plus grand nombre puisse se nourrir de l’ensemble des réflexions et propositions exprimées lors de cet événement.