le Ravi derrière les barreaux

mars 2022 | PAR Sébastien Boistel
Depuis maintenant près de deux ans, le mensuel qui ne baisse jamais les bras intervient aux Baumettes. Pour un journal, Dedans-Dehors. Et dernièrement, des ateliers sur le dessin de presse.

Peut-être est-ce le rêve de quelques-uns de nos interlocuteurs, édiles adeptes de procès-bâillon et autres allergiques à la liberté de la presse : que le Ravi finisse à l’ombre, derrière les barreaux. On avait déjà eu un avant-goût en 2019 à Aix-Luynes en jouant les « grands témoins » dans un procès pour de rire, une pièce intitulée L’Europe à la barre. (cf le Ravi n°174)

Et depuis maintenant plus de deux ans, le mensuel qui ne baisse jamais les bras intervient régulièrement en prison. Au point de faire marrer un de nos contacts réguliers qui, lui, a bien connu les Baumettes : « Je connais un peu le procureur. Alors hésite pas à me demander. Parce que, je t’assure, le bracelet électronique, c’est quand même plus confortable que la semi-liberté ! »

Il est vrai que, ces derniers temps, on y était très souvent. Au point de connaître par cœur les arrêts du bus qui mène aux Baumettes, le mythique « 22 » (comme quoi, la RTM a autant d’humour que l’administration pénitentiaire). Nous venons de boucler le troisième numéro de Dedans Dehors, un journal écrit par, pour et avec les détenus de la SAS, la « Structure d’accompagnement à la sortie », un dispositif expérimental visant à éviter les sorties sèches.

L’occasion de rendre compte de l’étude sociologique menée en ce moment mais aussi des différents ateliers qui ont, malgré le Covid, pu continuer. Ou encore de faire entendre la voix singulière d’un détenu qui, estimant n’avoir pas choisi de se retrouver derrière les barreaux, a fait le choix d’être classé comme « indigent », refusant donc de « cantiner », c’est-à-dire de débourser le moindre centime pour « améliorer » l’ordinaire. Et l’on devrait y retourner en mars, notamment pour scruter les scrutins.

En outre, ces dernières semaines, on a traîné nos guêtres de l’autre côté des Baumettes pour des ateliers autour de la caricature et du dessin de presse. Histoire de causer liberté d’expression, laïcité et droit à la satire. Sujet explosif ? « La caricature ? Oui, vous savez, Charlie Hebdo, c’est le journal le plus connu chez les arabes ! », lance, bravache et rigolard, un des détenus. L’occasion de dédramatiser le débat. Et de rappeler autant les liens qu’avait le Ravi avec l’hebdo de Charb que notre credo : « On peut rire de tout… mais pas avec n’importe qui ! »

En revenant sur l’histoire de la caricature, nous avons abordé bien des sujets. La religion, bien sûr, un détenu estimant : « Le dessin est une arme puissante. Mais à utiliser à bon escient. Ce n’est pas parce que vous avez une Porsche que vous pouvez rouler à 300 km/h en centre-ville ! » On a aussi causé du Covid, de la prison et des élections, avec, en guise de (très) bons clients, Zemmour mais aussi Sarkozy ou Mélenchon. Il faut dire que nos détenus ont pu rencontrer deux de nos dessinateurs – Ysope et Red ! – et, en atteste l’exposition qui trône désormais à l’entrée de la bibliothèque des Baumettes, ils ont prouvé qu’ils avaient un sacré coup de crayon. Certains ont même osé nous caricaturer ! Paraît que c’est assez ressemblant. Mais vous savez, l’écrou et les couleurs…