L'an 01 du Ravi

novembre 2021 | PAR Gilles Mortreux
Pourquoi avoir créé ce journal ? Gilles Mortreux, l'un des fondateurs et le « rédac chef » des six premiers numéros, rappelle les motivations des pionniers...

Que sommes-nous venus faire dans cette galère ? Quelle idée saugrenue que de créer, en 2003, un journal, qui plus est un journal papier, et plus encore, un journal payant ! Rappelons qu’à la même époque, ou peu s’en faut, Metro lançait des journaux gratuits qui présentaient l’avantage de tenir le public quotidiennement informé des dernières offres de téléphonie mobile, ce que le Ravi n’a jamais été capable de faire. Certes, ces journaux sont au journalisme ce que le fast-food est à la gastronomie, mais a-t-on vraiment besoin d’autre chose pour se donner l’impression d’être informé ? Pourquoi se fader la prose, parfois ampoulée, et l’humour incompréhensible d’une bande de feignasses cryptogauchistes ? Feignasses eu égard au format mensuel, crypto à cause du support papier et gauchistes selon nos détracteurs.

Cette périodicité mensuelle n’était pas commandée que par la flemme ou le manque de moyens. Elle convenait également à notre intention première, qui était de prendre du recul et d’observer de loin, mais pas trop, le marigot provençal. En un sens, nous étions au départ plus chroniqueurs que journalistes. D’ailleurs, aucun de nous n’était issu d’une école de journalisme, mais plutôt de l’université, ce qui garantissait à nos yeux une certaine rigueur dans le traitement de l’information, au détriment parfois, il est vrai, d’un ton quelque peu professoral (aujourd’hui, tous les journalistes permanents du Ravi, qui défend le reportage ainsi qu’une presse qui enquête, sont titulaires d’une carte de presse. Et le ton du journal est désormais une parfaite synthèse de rigueur et de légèreté ! ndlr).

Quant au choix du support papier, il demeure aujourd’hui encore un mystère (qui perdure même s’il se conjugue depuis deux ans avec une diffusion en ligne de l’ensemble des articles et des « exclu web » hebdomadaires, ndlr)…

Le Ravi des débuts, enfin, était-il un journal gauchiste ? Nous étions de gauche, sans doute, mais avant tout parce que la dérision dont nous nous parions est l’arme de ceux qui n’en ont pas d’autres, et que les puissants qu’elle prend pour cible étaient et sont toujours plutôt à droite. Peut-être pensions-nous également qu’à tout prendre, la société a plus intérêt à aider les plus faibles qu’à chercher à s’en protéger, mais on chercherait en vain, dans les pages du Ravi, un agenda idéologique. La raison en est pragmatique : l’idéologie, c’est comme les lunettes de soleil en pleine nuit : ça donne un style, certes, mais on y voit moins bien.

Un dernier mot encore, Monsieur le juge : l’inconscience et une certaine dose d’irresponsabilité peuvent à la rigueur excuser la création de ce journal si peu dans l’air du temps. En revanche, nulle mansuétude pour les dangereux idéalistes qui l’ont fait perdurer contre un salaire de misère (pour les plus chanceux d’entre eux) et au détriment d’une carrière qui aurait pu être autrement plus brillante partout ailleurs ! Chez CNews par exemple…

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