Présidentielle : Jadot, "en vert" et contre tout

mars 2022 | PAR Sébastien Boistel
Si Macron a reporté son meeting à Marseille et Christiane Taubira jeté l’éponge, le candidat écolo Yannick Jadot, lui, a fait un crochet par le Vieux Port.

le Ravi, journal écolo ? Certes, on coupe des arbres et les datas centers qui tournent pour notre site web doivent bien être responsables de la mort de quelques ours blancs. Mais quand il s’agit d’aller au meeting de Yannick Jadot, le candidat écolo, de passage sur le Vieux Port ce mercredi 2 mars, nous n’y allons même pas en transports en commun mais à pied, le moyen de transport le plus doux qui puisse exister !

Et puis, comme Macron a renoncé à son grand meeting de lancement de campagne à Marseille, « faute de grives, on mangera des merles »…  Qui Yannick Jadot va-t-il réussir à mobiliser ? Crédité de 5 % d’intentions de vote – largement devant le PS, à peine au-dessus du PC mais bien loin de l’union populaire conduite par Mélenchon – celui qui aura au moins gagné la primaire écolo ne peut guère se faire d’illusions sur ses chances d’accéder au second tour. Mais, avec le retrait soudain de Christiane Taubira, faute de parrainages, Yannick Jadot compte bien lui « tendre la main ». D’ailleurs, dans la foulée de son meeting, il était prévu qu’il rencontre le maire de Marseille, le socialiste Benoît Payan qui a donné sa signature à l’ancienne garde des Sceaux.

Sur le Vieux Port, c’est loin d’être la foule des grands jours. Un peu de vent, ciel voilé, des kakemonos verts ciglés « Jadot 2022 » et au milieu, une scène aux allures d’octogone de MMA (après vérification, elle n’a que sept côtés, c’est donc un heptagone). Tiens, Rubirola est là ! Sébastien Barles aussi ainsi que Christine Juste, Lydia Frentzel, Théo Challande, Hervé Menchon et Fabien Perez, bref, le groupe écolo de la ville de Marseille au grand complet. Mais l’on trouve aussi l’historique Jean-Luc Bennahmias ou des figures vraiment tout terrain comme l’aixois Stéphane Salord.

Après une activiste ukrainienne et un jeune militant associatif des quartiers, c’est au patron régional d’EELV, le sénateur Guy Benarroche, de jouer les chauffeurs de salle qui se dit « joyeux, content et fier » d’être là à Marseille pour accueillir un candidat  écolo « car en 1974, déjà, on était une poignée pour faire de même avec le premier candidat écolo à la présidentielle, René Dumont ». Est-ce à dire que Jadot serait, lui aussi, une « candidature de témoignage » ? Que nenni ! Selon Benarroche, le député européen sera le « 1er président d’une République écologiste ». Même les plus convaincus des militants ne peuvent s’empêcher de sourire face à un tel pronostic.

« Seules les énergies renouvelables sont celles de la paix ! » Yannick Jadot

Suivent Christine Juste et Fabien Perez, priés de faire court, car le candidat arrive. Si, auparavant, on avait eu droit au Mia (c’est Marseille, bébé !), là, le candidat écolo grimpe sur le « ring » sur une version énervée du standard de Louis Armstrong What a wonderful world. Et quoi de mieux que cet hymne à la paix et à l’amour pour décrire le climat qui règne ?

Jadot attaque en force sur l’Ukraine, fustigeant « le dictateur Poutine » et « Macron, ce président qui le tutoie ». Avant de se dire favorable à ce qu’on « livre des armes pour les hommes et les femmes qui se battent en Ukraine » car la population se bat « pour la liberté, la démocratie et l’Europe ». Soulignant que derrière cette guerre se pose la question de « l’énergie et des matières premières ». Et le parlementaire européen de marteler : « Il y a quelques semaines, à Bruxelles, on était en train de discuter pour savoir si le nucléaire et le gaz pouvaient être considérés comme des énergies vertes. Aujourd’hui, on est prêt à se passer du gaz russe. Seules les énergies renouvelables sont celles de la paix, de la sécurité et de la liberté ! »

Le candidat ne ménage pas ses effets. Et de taper à nouveau sur Macron pour rappeler qu’en 2018, il négociait déjà avec « Poutine. Pour des contrats en faveur de Total et d’Orpea ». L’actualité ukrainienne est une manne trop précieuse pour s’arrêter là. Autre conséquence du conflit ? « La Russie est le grenier à blé de l’Europe. Cette guerre ne sera donc pas sans effet pour nous. » Voilà pourquoi le candidat écolo plaide pour « en finir avec ce modèle d’agriculture intensive aussi abominable pour les animaux que pour l’environnement et l’être humain ».

Certes, reconnaît-il, « après la pandémie, il y a une telle fatigue qu’on sent chez les gens l’envie d’appuyer sur le bouton “pause”… » Mais, « en même temps », lâche-t-il, « pour retrouver un peu de sérénité, de stabilité, le mieux n’est-il de tout transformer ? » En tête ? Le récent rapport du Giec.

L’heure tourne. Alors Jadot accélère. Logement, école… Des sujets qu’il aborde rapidement pour conclure sur cet autre adverse qu’est l’extrême droite. Face aux tenants du « grand remplacement », à ceux qui portent le récit d’un « suicide collectif », l’écolo oppose à « la pulsion de mort, la pulsion de la vie », à la « haine, la fraternité » : «  Le suicide français n’est pas notre best-seller », martèle celui pour qui « l’écologie est le seul projet qui regarde l’avenir avec espoir. »

Il est 14 heures, l’heure de conclure. Jadot invite sur scène ses partenaires. Bennahmias, de Place publique, renâcle à le faire. Le candidat à la présidentielle l’interpelle : « Alors, tu montes pas ?! Va falloir choisir ton camp, camarade ! » La lanterne rouge de la primaire de la gauche en 2017 fait mine de ne rien entendre.

Le timing du candidat est serré. La « conférence de presse » se résume à un arrêt de quelques minutes devant les caméras pour dire que Taubira est la « bienvenue » avant de se rendre au pas de charge à l’hôtel de ville. La scène est vide, les drapeaux claquent au vent. Sous un barnum trône, entre tracts et programmes, une urne au fond de laquelle on trouve non des bulletins de vote mais des billets de banque. Indispensable pour faire campagne. Surtout lorsqu’on n’est crédité que de 5  % de votes. Et donc pas sûr de voir ses frais remboursés…

Retrouvez dans le Ravi n°204, dès ce vendredi 4 mars en ligne sur ce site, nos pages sur l’élection présidentielle