Habitat indigne : pompier, bon oeil ?

mars 2021 | PAR Jean-François Poupelin, Sébastien Boistel
Changement à la tête de la Direction de la prévention et de la gestion des risques (DPGR), en charge de l’habitat indigne : un an après l’alerte des architectes et ingénieurs, Sandrine Dujardin, qui chapeautait le service, s’en va. De quoi soulever quelques inquiétudes.

ACTUALISATION (2/4/21) : nouveau changement au sein de la DPGR, la direction de la prévention et de la gestion des risques. Sur fond de rapprochement avec  la sécurité civile et quelques jours après le remplacement de la directrice Sandrine Dujardin par un marin-pompier, Jean-Michel Wagner, c’est au tour de Dominique Dias de quitter le service. De quoi fragiliser un peu plus la DPGR ? De quoi en tout cas émouvoir les organisations syndicales. Patrick Amico, l’adjoint en charge de l’habitat indigne, n’a pas répondu aux questions du Ravi.

Un an après la publication par le Ravi du courrier d’alerte des architectes et ingénieurs de la Direction de la prévention et de la gestion des risques (DPGR), en charge de l’habitat indigne à Marseille, sur les « dysfonctionnements graves » qu’ils constataient, ce service ne cesse d’alimenter un feuilleton sur un dossier particulièrement sensible dans une ville marquée par les effondrements de la rue d’Aubagne.

Cela faisait plusieurs mois que la rumeur bruissait. Et c’est désormais une question de jours. Sandrine Dujardin, qui chapeautait jusque-là ce service, devrait le quitter d’ici la fin de la semaine. Et il semblerait, selon plusieurs sources, qu’elle soit remplacée par un membre du bataillon des marins-pompiers de Marseille, le capitaine Jean-Michel Wagner.

Or, même côté militaires, Wagner n’a, semble-t-il, pas que des adeptes. Et, parmi les siens, on s’interroge sur l’opportunité, justement, de recruter pour ce service un… militaire. Si personne ne se risque à un commentaire officiel, pas forcément de quoi rassurer. Non parce que la dernière fois qu’un pompier a officié à la tête de ce service, cela s’est terminé par son départ suite à un AVC. Mais aussi et surtout parce que, dans le cadre de la réorganisation des services, d’aucuns redoutent de voir la DPGR passer sous la férule de la sécurité civile, et donc des pompiers : « On reviendrait peu ou prou à la même configuration que sous Gaudin, avec comme adjoint Julien Ruas qui ne se souciait que de l’urgence mais sans aucun lien avec les services s’occupant du logement, décrypte un observateur attentif du dossier. Or, l’habitat indigne, ce n’est pas que l’urgence. C’est aussi la prise en charge sociale, les travaux. Et, au-delà, une politique de logement et d’urbanisme… »

Rencontre avec le maire

Contacté, l’adjoint au maire en charge du logement et de la lutte contre l’habitat indigne, Patrick Amico, temporise : « Tout ceci s’inscrit dans une évolution de ce service. La réorganisation qui se profile impactera évidemment plusieurs services Rien n’est encore définitivement arrêté à ce jour, pas plus pour la DPGR que pour les autres services éventuellement concernés ». Ajoutant : « Mme Dujardin, qui a fait, avec un succès indiscutable, un travail de fond à la fois très difficile et très complexe dans un contexte des plus dramatiques, est appelée à d’autres fonctions d’importance au sein de la ville ». Et de rassurer : « La DPGR continuera dans tous les cas à assurer l’ensemble des missions qui sont les siennes, aussi bien techniques que sociales. Le maire a rassuré sur ce point les associations ».

Parmi lesquelles « Un centre-ville pour tous » (https://centrevillepourtous.fr/). Qui a tenu, dans un communiqué (que nos collègues de Marsactu relaient également, NDLR), à interpeller la municipalité sur la charte du relogement, la transparence et la DPGR. Avec, derrière, la question de la gestion de l’habitat indigne, un dossier qui relève autant de la ville de Marseille que de la métropole. En début de semaine, Benoît Payan a en effet reçu les acteurs associatifs. Avec, à ses côtés, Patrick Amico mais aussi l’adjointe à l’urbanisme Mathilde Chaboche. Et le rapprochement de plusieurs DGA (directions générales administratives) d’interroger en interne comme à l’extérieur.

Comme l’écrit l’association : « Il semblerait que la DPGR risque d’être détachée de la Délégation à l’habitat pour être replacée sous tutelle de la Sécurité civile. Ce possible retour en arrière nous inquiète fortement […] Si ce choix se confirmait, il traduirait un retrait majeur face à l’une des principales promesses inscrites au programme du Printemps Marseillais. En réduisant l’habitat à une question de sécurité, la Mairie renoncerait à un pilotage stratégique de la politique de l’habitat. Le risque est de laisser le suivi bilan des politiques du logement à la Métropole dont nous connaissons le désengagement et l’inaction historique […] Ce serait une démission de la Ville face à un champ de responsabilité crucial.»

A la CFTC-CFE/CGC, on est partagé : « A la DPGR, on a deux missions. L’urgence, avec les évacuations, qui est effectivement assimilable au travail des marins-pompiers. Mais aussi un travail de fond, avec les travaux d’office… Or, à Marseille, pour faire face à l’habitat indigne, le travail est titanesque ». Et le syndicat de pointer les difficultés en matière d’effectifs : « Les moyens sont mis. Mais, pour recruter -des ingénieurs, des architectes, des conducteurs de travaux…- c’est parfois compliqué de lutter contre la concurrence ». Tout en expliquant : « On a l’habitude de travailler avec d’autres services et en contact avec plusieurs élus ».

Les acteurs associatifs ont donc redit à la nouvelle majorité qu’ils seront particulièrement attentifs à un dossier on ne peut plus sensible à Marseille. Soupir en interne à la DPGR : « Il y a un an, le signal d’alarme a été tiré. Les arbitrages à venir seront éminemment politiques ». Et d’espérer qu’ils aillent dans le bon sens : « Sinon, cela voudrait dire qu’on est dans un bateau ivre. Et qu’il y a bel et bien une entreprise de destruction de la DPGR ».