Les ambassadeurs de citoyenneté

novembre 2020 | PAR Samantha Rouchard, Yasmine Sellami
Malgré le Covid-19, une centaine de jeunes des centres sociaux et maisons pour tous, affiliés ou partenaires de la Ligue de l'enseignement des Bouches-du-Rhône, ont participé cette année encore au projet "J2R", Jeunes des deux rives. le Ravi les a rencontrés lors des différents ateliers thématiques, entre confinement et reconfinement, fidèles au poste.

Atelier fake news et réseaux sociaux

« C’est important de s’informer »

« J’ai appris à distinguer une vraie info d’une fausse. Après ces trois jours d’ateliers, je me rends compte que je ne vois plus les informations de la même manière, je pense toujours à vérifier si la source est fiable. Et j’ai compris aussi que c’était important de s’informer, pour connaître l’actualité et se cultiver. Et puis quand on s’informe, on peut moins facilement nous rentrer des choses dans la tête. »

Melvin, 16 ans, Les Lilas

« Les réseaux sociaux manipulent ton cerveau »

« Ces ateliers, c’est intéressant car ça nous apprend comment fonctionnent les réseaux sociaux et comment ils manipulent ton cerveau avec la dopamine. Quand je passe deux heures sur le téléphone, je suis k.o. et ça me donne mal à la tête. Aujourd’hui je n’y passe pas plus de 30 minutes par jour. Je préfère utiliser mon temps libre à jouer au basket ou à écrire des textes de rap. »

Julien, 14 ans, Les Lilas

Atelier développement durable

« Trier les déchets nous concerne tous »

« C’est important de trier les déchets pour préserver la nature. Avant, je ne faisais pas trop attention. Mais j’ai participé au précédent atelier et depuis, je garde ce que j’ai à jeter dans mon sac en attendant de trouver une poubelle. Même ramasser des déchets ne me dérange plus. Ça nous concerne tous. C’est pour le bien de tout le monde. »

Kaïs, 13 ans, L’Huveaune

« J’ai ramassé les déchets sur la plage, on m’a traité de bonniche»

« La première fois qu’on a bossé sur le développement durable c’était un peu pénible parce qu’il fallait ramasser des déchets sur la plage. Mais les gens nous donnaient de l’argent. J’ai eu 10 euros alors j’étais contente. Quand j’ai raconté ça à mes amis, ils m’ont tout de suite dit que j’étais une bonniche. Je leur ai expliqué que je faisais cela avec une association, mais ils ont continué à se moquer. Au final j’ai laissé tomber et je l’ai pris à la rigolade. »

Hadjer, 13 ans, L’Huveaune

« Je ne fais jamais le tri »

« On nous a expliqué le développement durable mais c’était en deux-deux. Du coup, je ne sais pas trop le définir mais je sais que c’est en lien avec l’écologie, et que c’est bien. Moi je jette tout le temps mes déchets dans la poubelle mais je ne fais jamais de tri. J’ai encore des efforts à faire. »

Amethys, 16 ans, Saint-Joseph


« Je recycle les piles, c’est ma contribution »

« Le développement durable c’est lorsque tu gardes des ressources pour faire avancer la société de demain. Moi, souvent, j’économise les piles. Je les recycle. C’est comme ça que j’apporte ma petite contribution. Mais je ne le fais pas encore avec les autres déchets. Je vais essayer de changer ça. »

Nohé, 14 ans, Saint-Joseph

Atelier discrimination handicap

« La vie d’aveugle ça doit être dur »

«C’était bien la danse parce qu’on a bougé. Mais danser les yeux bandés, c’est trop difficile. T’arrives pas à suivre la chorégraphie. La vie d’aveugle, ça doit être dur, dur, dur ! »

Rayane, 12 ans, L’Estaque

« Si on montre que la personne est différente, ça peut la mettre mal à l’aise »

« J’ai une cousine handicapée. Elle a dix ans, et plusieurs malformations. Je me comporte avec elle comme avec tous les cousins. Si on montre que la personne est différente, ça peut la mettre mal à l’aise. C’est pour cela que j’ai préféré écrire « aide », « égalité », « fraternité » et « soin » pendant l’atelier graff.  Même si « difficulté » et « maladie » sont les premiers mots qui me viennent à l’esprit, je ne veux pas qu’on se limite à ça. J’ai d’ailleurs préféré cet atelier à celui de la danse. Le graffiti c’est plus expressif. Ça illustre mieux ce que l’on veut dire. »

Loelia, 13 ans, L’Estaque

« La musique c’est bien pour les personnes handicapées »

« On parle du handicap entre collègues parfois, mais vite fait. Moi, aujourd’hui, j’ai pas eu de préférence. J’ai bien aimé les deux ateliers. Pour le graffiti, j’ai écrit « Solidarité » – parce que c’est mon quartier et en même temps il faut être solidaire –, « courage », et « Jul », parce que la musique c’est bien pour les personnes handicapées. Concernant la danse, c’est vrai que moi, même les yeux ouverts je ne sais pas danser, mais alors les yeux fermés, c’est trop compliqué ! »

Anis, 16 ans, la Solidarité

Atelier violences sexistes

« L’autre est responsable du regard qu’il porte sur moi »

« Avec la période de confinement, il y a eu encore plus de cas de violences envers les femmes. Et c’est important de parler de cette thématique entre jeunes car c’est nous qui construisons la société de demain, une société qui aujourd’hui ne réagit toujours pas de manière optimale sur ces questions-là. C’est bien de s’informer, comme ça on peut à notre tour informer d’autres jeunes. Ma mère est très ouverte sur ces sujets-là. Ça m’a donné envie de m’engager pour des causes féministes. En ce qui concerne les violences sexistes dans la rue, moi ça ne changera pas ma façon de m’habiller. C’est l’autre qui est responsable du regard qu’il porte sur moi, c’est son problème, pas le mien. »

Lina, 15 ans, Bompard

« Je fais attention à tous les petits signes qui peuvent annoncer de la violence »

« Les violences sexistes j’y ai été confrontée dans ma famille. Une fois, quand j’étais petite, je me suis interposée et c’est moi qui ai reçu le coup. Aujourd’hui, je fais attention à tous les petits signes qui peuvent annoncer de la violence, je suis très méfiante. On était tous très motivés à participer à ces ateliers. On apprend plein de choses. Par exemple je ne savais pas qu’il y avait autant de violence dans les couples, même ceux de notre âge. Dans la rue, ou dans le métro, quand on est une fille, on se fait accoster en permanence. Les regards sont lourds. Ce matin, je n’étais pas rassurée, il y avait trois gars qui me fixaient, j’étais gênée. Mais ça ne m’empêchera pas de m’habiller comme je veux. Par contre j’ai une copine qui une fois a envoyé une photo un peu dénudée à son copain. Et ça a circulé dans le collège. Je me suis mise à sa place, j’ai trouvé ça triste. Au collège tout le monde la regardait comme si c’était une pute. Alors que cette photo était juste entre elle et son copain. La pute c’est lui, pas elle. »

Laura, 17 ans, Bompard

« C’est mon corps, je m’habille comme je veux »

« Les remarques sexistes on y a droit tous les jours dans la rue. Même si on connaît déjà beaucoup de choses sur le sujet, grâce aux ateliers, on approfondit la question. On ne savait pas qu’il y avait autant de femmes qui se faisaient toucher ou taper dans la rue, ou dans les transports sans que personne ne réagisse. Les gens, ils voient mais ils ne font rien. Moi ces ateliers me renforcent. Je me sens un peu plus capable de répondre si on me fait des réflexions. Et de dire que c’est mon corps, et que je m’habille comme je veux.»

Carla, 17 ans, Bompard

« Il faudrait éduquer les garçons à être moins lourds »

«Ça me tenait à cœur de participer à ces ateliers car pour moi l’égalité entre les hommes et les femmes doit être plus présente. Et les violences sexistes ne devraient pas exister. Je ne pensais pas que les femmes se faisaient embêter dans la rue tous les jours, que c’était si fréquent. Je ne suis pas comme ça. Il peut m’arriver de dire à une fille qu’elle est jolie et qu’elle me plaît mais ça ne va pas plus loin. Si elle ne veut pas me parler, je n’insiste pas et je veille à ce que mes copains fassent pareil. Il faudrait éduquer les garçons à être moins lourds. On demande toujours aux filles de ne pas porter telle ou telle tenue, mais il n’y a pas de prévention pour les garçons. On ne nous apprend pas à ne pas siffler une fille dans la rue, ou de ne pas aller l’aborder. Quand les hommes entendent le mot « féminisme » ils imaginent que les femmes veulent être supérieures à eux alors qu’elles veulent juste l’égalité. »

Anthony, 17 ans, Bompard

« C’est aux garçons de s’intéresser aux violences sexistes »

« J’étais au courant de pas mal de choses sur le sujet, mais là j’ai pu parler de mes expériences personnelles et c’est bien. Quand on se fait accoster ou harceler dans la rue, je réponds souvent avec humour ou en me foutant de la gueule des gars qui viennent nous parler. Bien sûr il m’est arrivé d’avoir peur quand les choses arrivent par surprise. Mais la plupart du temps quand on est avec Ilona et que les gars arrivent, on se regarde et on explose de rire. On sort souvent le soir toutes les deux et quand on rentre vers 1 heure du matin, il y a toujours un groupe de jeunes pour venir nous accoster. Avec leur petite taille et leur dégaine de maigrichons, on dirait des vers de terre debout ! Du coup on se moque d’eux. C’est aux garçons de s’intéresser aux violences sexistes car ils ont des petites sœurs et un jour ils deviendront papas, ils devront savoir réagir. Nos amis garçons sont dans « la cause », sinon on ne serait pas amies avec eux. »

Tchandeni, 17 ans, Bompard

« Il n’y a pas assez d’interventions au collège et au lycée » 

«Il n’y a pas assez d’interventions sur les violences sexistes au collège ou au lycée. Il n’y a pas beaucoup de garçons qui assistent à l’atelier, alors que c’est eux qui en ont besoin, nous les filles on est déjà au courant de tout ça. Les garçons qui nous entourent sont bienveillants. J’ai un ami qui l’autre jour a vu une fille se faire accoster, il s’est approché d’elle pour faire croire qu’il était avec et que les gars la laissent tranquille. »

Ilona, 17 ans, Bompard

« Au collège les adultes sont plus laxistes avec les garçons »

« Ça me choque qu’à notre époque pourtant très moderne on soit encore obligés de parler de violences sexistes. C’est dommage qu’à l’école on ne nous informe pas plus sur ces sujets-là. Si on nous dit bien sûr qu’un homme ne doit pas taper sa femme, on ne nous dit rien sur le fait qu’une femme a le droit de s’habiller comme elle veut et qu’un garçon n’a pas le droit de la harceler pour ça. Les profs, les surveillants, la vie scolaire sont plus laxistes avec les garçons qu’avec les filles. Eux peuvent venir en short de foot et nous dès que l’on a un petit trou au jean on nous demande de nous changer. Les garçons ont plus de privilèges que nous au collège. Au centre on est plus libre de dire ce que l’on veut. »

Jade, 14 ans, Bompard

Propos recueillis par Samantha Rouchard et Yasmine Sellami