Haute Assemblée, petites manoeuvres...

août 2020 | PAR Sébastien Boistel
Les sénatoriales, fin septembre, font peu de bruit. Mais, dans l’anonymat de ce scrutin pas comme les autres où les élus parlent aux élus, se cachent bras de fer, tractations et drôles de combinaisons.

Une élection en cache toujours une autre : place, le 27 septembre, aux sénatoriales ! Le renouvellement au suffrage indirect de la Haute Assemblée fait peu de bruit. Mais « c’est comme pour le pape. C’est pas parce qu’il y a peu de votants que c’est pas le bordel », lance Olivier Bettati. D’après l’élu mentonnais d’extrême droite (ex-FN), « LR devrait avoir le champ libre dans les Alpes -Maritimes. Le département est clairement à droite, le RN n’a pas fait de bons scores et le seul sénateur de gauche a perdu sa mairie ». Estrosi espère que son ex-épouse, Dominique, fera carton plein sans laisser, dit l’édile à Nice-Matin, une « miette » à ce « sinistre personnage » que serait Bettati : « Je ne suis même pas candidat », réplique celui qui estime toutefois que « localement, c’est intéressant d’être sénateur ».

Stéphane Ravier, l’ex-maire RN du « 13/14 », a toujours promu ce qu’il finançait en tant que sénateur des Bouches-du-Rhône : un jardin, un stade… Depuis son revers aux municipales et l’éviction de sa nièce de la commission d’investiture du parti, il est discret sur ses chances de réélection : « Avoir été battu m’a permis d’obtenir de longues vacances. [Mais] je ferai tout pour que les grands électeurs ne m’y renvoient pas. » En face, ça ricane : « Il doit compter. » Car si, dans les grandes villes, le corps électoral – des élus, essentiellement – est un peu étoffé, l’ex leader de l’extrême droite dans le « 13 » pourrait ne pas avoir autant de voix qu’en 2014.

Course à gauche

« Pour être élu, il faut 450 voix. On a tous ça en tête pour savoir si on part uni ou pas. On aurait plus de chances si on l’était. Mais ce n’est pas si simple. Car tout le monde veut la tête. Et je ne parle même pas des questions de parité », soupire Guy Bénaroche, candidat (et secrétaire) d’EELV dans le « 13 ». Les discussions seront closes avec le dépôt des listes le 7  septembre. En face, le héraut du PC, c’est Jérémy Bacchi, éphémère candidat du Printemps marseillais dans le 13/14. Qui disposerait, semble-t-il, d’un confortable réservoir de grands électeurs. « À voir avec la perte de villes comme Arles ou Gardanne », taclent les verts.

Citant « le beau symbole de Marseille », la première fédérale du PS Nora Mebarek prône « l’union ». Mais revendique « la tête », rappelant que « seul le PS a un sortant ». Et qu’importe si celui-ci, Samia Ghali, n’a plus sa carte et, désormais deuxième adjointe, n’est pas candidate pour se concentrer sur Marseille. Fin août, si ça tiraille encore chez les écolos, la patronne du PS nous assure que la donne n’a pas changé. Et, en mettant en avant le duo Frédéric Vigouroux / Marie-Arlette Carlotti, de nous dire l’importance de « faire entendre toute la diversité de nos territoires. Surtout face à une métropole qui voudrait se faire sans la deuxième ville de France ! »

En face, la droite ne fait pas dans le subtil. En témoigne la présence sur la liste LR, conduite par Patrick Boré, en dernières positions, du patron de la Région, Renaud Muselier, et de son homologue au Département et à la Métropole, Martine Vassal. « Quand on sait le poids de ces collectivités pour les élus locaux et qu’en 2021 ont lieu les départementales et les régionales, c’est tout sauf sain », peste le PS. Surtout que le scrutin est loin d’être le plus transparent : « C’est une campagne de proximité, détaille Bénaroche. Nous, on veut monter un groupe au Sénat pour appuyer les projets écologiques des élus locaux. Mais voter pour l’un ou pour l’autre n’est pas toujours sans arrière-pensée. »

Mercato à droite

Le casting non plus. Fin de partie pour le « dissident » Bruno Gilles : « Pas candidat donc aucun commentaire », dit-il par SMS. Mais, à le voir sur Facebook se prendre pour « Tintin » montant en train au Sénat, on sent un poil de nostalgie… Pas au point toutefois de soutenir une liste dissidente comme le laissent entendre quelques bruits ! Exit aussi Sophie Joissains qui se concentre sur Aix. Mais c’est la confortable seconde position de Valérie Boyer qui fait jaser. Si elle passe de l’Assemblée nationale au Sénat, ce serait, disent certains, un « coup de billard à trois bandes ». Car celui qui la remplacerait au Palais Bourbon, c’est son suppléant, le maire du 11/12 Julien Ravier. Qui bénéficierait alors de l’immunité parlementaire. Avec les histoires de fausses procurations, on ne sait jamais…

De fait, vu les équilibres politiques et les dernières élections, le scrutin ne brille pas par son suspense. Mais ça n’empêche pas qu’à la veille du dépôt des listes, c’est le bazar. Dans le Vaucluse, si le sénateur sortant Claude Haut est passé du PS à En Marche, Lucien Stanzione, le premier fédéral, peut s’enorgueillir d’être à la tête d’une « liste unitaire ». Son homologue varois Thomas Roller ne peut en dire autant. Ont surgi les candidatures de Julien Poussin (DVG, Fréjus) et du maire de Néoules, André Guiol (ex-PS), lorgnant, avec sa casquette de président des maires ruraux du Var, sur le siège laissé vacant par le sénateur sortant (LFI) Pierre-Yves Collombat. Dans le Var où le RN est ancré et où la gauche a perdu La Seyne-sur-Mer, la démarche unitaire a du plomb dans l’aile. Mais Roller se console : « Le Sénat, ce n’est pas une fin en soi. Ce qui compte, c’est discuter pour reconstruire la gauche. » Dans le « 06 » aussi ça se chicane entre verts et communistes pour la tête de liste. Pas étonnant que ça tiraille car au niveau national, il y a un deal entre le PS et le PC. Mais pas avec les écolos…

La seule inconnue, c’est peut-être la performance des marcheurs. Voire… leur identité ! « Je n’ai pas encore de nom à vous donner mais on aura une liste ! », nous promet à la veille du bouclage le patron de LREM13, Bertrand Mas-Fraissinet. Ce sera finalement le maire de la Roque d’Anthéron, Jean-Pierre Serrus. Silence radio en revanche du côté de Jean-Noël Guérini (ex-PS) même s’il aurait, nous dit-on, déjà commencé sa tournée. De quoi l’occuper avant son procès en mars. Pile au moment des départementales et des régionales !