Il n’y a pas d’âge pour avoir un toit

janvier 2022 | PAR Frédéric Legrand, Le groupe Petits frères de la Seyne-sur-Mer
Premier poste de dépense pour les personnes âgées, le logement peut s’avérer très dur à trouver. Et à adapter.

Qu’on soit jeune ou âgé, la première condition du bien-être est presque toujours la même : avoir un logement, et s’y sentir bien. Cette évidence, pas si évidente, a été rappelée à l’issue de la concertation « grand âge et autonomie », lancée durant six mois par l’État entre 2018 et 2019. Avec une priorité : permettre aux personnes âgées de rester le plus longtemps possible chez elle. Un objectif pas forcément facile, selon les parcours de vie. « Après un accident de voiture, j’ai perdu mon travail et j’ai dû aller vivre chez mes parents, explique Jean-Claude Guéripel, retraité accompagné par les Petits frères de La Seyne. Quand ils ont dû aller en maison de retraite, j’ai dû vendre la maison pour pouvoir payer, je n’avais plus nulle part où aller. »

Face à la demande, difficile de chercher dans le secteur privé : « Il y a partout une vraie pression immobilière qui fait que des personnes âgées qui ont les minimas sociaux, tous sous le seuil de pauvreté, ont vraiment du mal à trouver un logement et à le financer, souligne Ludovic Leydet, coordinateur de développement social aux Petits frères des pauvres Paca. Le taux d’effort sur les revenus que représente le logement atteint généralement 40 % pour les personnes âgées, ce qui est énorme : les banques demandent 30 %, et la CAF 40 % au maximum. » De tels taux d’effort sur le logement poussent à arbitrer au quotidien entre des dépenses, et souvent à reporter des soins.

Bancs et trottoirs

Autre difficulté : le parc locatif manque de logements de petites surfaces types T1 ou T2, pour des personnes seules ou des couples, qui plus est à faibles revenus. Le manque de construction de logements sociaux modulables, accessibles aux personnes à très faibles revenus, bloque toute la chaîne du logement. « Avant d’arriver dans le foyer géré par le CCAS de la ville, j’avais demandé un HLM à La Seyne, c’était très difficile, se souvient Jocelyne Vadella, accompagnée par les Petits frères de La Seyne. Il fallait faire des demandes tous les ans, et peut-être même avoir un peu de piston. Et même pour le foyer : normalement, j’aurais dû attendre plusieurs mois avant d’y entrer, alors que je m’étais fait très mal après une chute et que ne pouvais plus occuper mon ancien logement. Si je n’avais pas eu ma tutrice, ça ne serait pas allé si vite. »

Le manque est tel que les personnes âgées peuvent parfois se sentir obligées d’accepter des logements non adaptés, voire insalubres, s’en remettant à de véritables marchands de sommeil. « Face à tout cela, le fait d’avoir un logement adapté en termes de hauteurs, d’équipements et, plus important encore, d’environnement autour avec bancs, cafés, commerces, transports, des trottoirs pas trop hauts ni trop étroits, ça passe souvent au second plan, regrette Ludovic Leydet. Alors que ça participe totalement à la qualité de la vie et à la socialisation pour les personnes âgées. »

Maison relais

Entre l’État, la CAF, les collectivités locales, les associations, plusieurs solutions existent, mais elles sont souvent peu connues du public. Alors qu’elles fonctionnent. « J’ai d’abord été dans une maison relais des Petits frères à Borne-les-Mimosas, se souvient Jean-Claude Guéripel. Déjà d’avoir un bail sans limite de temps, ça donne une sécurité qu’on aurait pas ailleurs, ça laisse le temps de se reconstruire. Et puis d’avoir des accompagnants qui viennent nous voir, ça aide beaucoup. Quand j’ai eu ma sciatique, je pouvais pas bouger de mon lit, ils ont fait le lien avec la pharmacie et le docteur ! ». Pour les associations comme les Petits frères des pauvres, l’objectif est de trouver pour chaque personne âgée accompagnée la solution la plus adaptée, plutôt que de chercher des profils correspondant aux logements disponibles. Au travers de sa fondation, l’association investit dans des logements « diffus », répartis partout dans la région. « On achète un logement pour une personne identifiée, en réfléchissant à un budget global comprenant l’achat et les travaux pour l’adapter à la personne, que ce soit la salle de bain ou le seuil à franchir pour aller sur un balcon par exemple, explique Ludovic Leydet. Ensuite, on est sur du loyer conventionné. »

Dans son rapport de 2019, la mission gouvernementale sur le grand âge préconise une mobilisation générale sur la production de logement pour les personnes âgées, avec notamment l’introduction de quotas pour les communes soumises à la loi SRU et le financement de résidences autonomie en l’ouvrant à des locataires à très faibles revenus. La mission propose également pour les intercommunalités une obligation de prise en charge de la compétence transports, pour lutter contre les zones blanches dépourvues de transports en commun, facteur d’isolement. En septembre dernier, le gouvernement a malheureusement repoussé le débat sur la loi « grand âge » après l’élection présidentielle.