Plongée au coeur d'un gaspillage d'argent public

mars 2020 | PAR Clément Chassot
A peine inaugurée, l’exposition « Plongée au cœur des canyons » conçue par le parc national des Calanques, est déjà menacée d'un démontage anticipé sur ordre de la mairie de Marseille. 500 000 euros d’argent public y ont pourtant été investis ! Alors que nous publions une tribune protestant contre cette décision, reportage à l'espace Bargemon.

Mardi matin, onze heures et demi. Une quinzaine de lycéens en sortie scolaire quitte l’espace Bargemon et l’exposition « Plongée au cœur des canyons », produite par le parc national des Calanques. Inaugurée le 14 février dernier, elle est déjà menacée de disparaître trois mois avant son terme ! « Ils ont adoré ! C’est très ludique, elle évoque les enjeux liés à la biodiversité tout près de chez nous. C’est assez rare pour le souligner. Et puis c’est gratuit, tout le monde peut venir », commente le professeur de biologie qui les accompagne, avant de lever les yeux au ciel en apprenant son possible démontage d’ici la fin du mois sur décision de la mairie de Marseille, qui souhaite récupérer le lieu avant les trois conseils municipaux d’après élections.

Pour rappel, l’espace Bargemon jouxte la salle du conseil municipal sur la place du même nom, juste en face du Vieux-Port. En 2013, lors de l’année européenne de la culture, ce lieu qui faisait partie intégrante du « pavillon M » accueillait des expositions sans qu’aucun conseil municipal ne soit annulé… Le démontage de l’exposition « Plongée au cœur des canyons » serait une véritable gabegie financière : en tout 500 000 euros d’argent public ont été mobilisés, la mairie mettant à disposition les locaux et assurant la communication de l’évènement. Prévue pour durer jusqu’au 21 juin, il était prévu qu’elle accueille des membres du Congrès mondial de la nature, organisé en juin à Marseille.

« Ils vont la mettre où ? »

Cette exposition démarre par un film à trois écrans narrant une expédition vers le canyon de Cassidaigne, au large de Cassis, qui atteint parfois 1000 mètres de profondeur. Pour mettre en valeur l’importance de ces grands canyons méditerranéens, véritables hotspots de biodiversité, plusieurs modules permettent d’appréhender leur faune et leur flore. Interactive et très ludique (il est possible de piloter virtuellement un robot sous-marin par exemple ou encore observer du corail au microscope), elle a déjà accueilli plus de 70 classes et environ 15 000 visiteurs.

Devant des clichés de baudroie ou de « sabre argenté », Dominique Robert, professeur de plongée, accompagné de se femme, Cathy, tous les deux touristes de Seine-et-Marne, commente : « on voit des espèces impossibles à observer autrement, même en plongée, car elles vivent en eau trop profonde. Et puis cela permet de sensibiliser tout le monde, c’est une chouette expo. Ils vont la mettre où ? Parce que ce serait vraiment dommage qu’elle s’arrête. »

Ramon et Marie sont également en vacances, originaires d’Alsace. Interpellés par une affiche en se baladant sur le Vieux-Port, ils finissent leur deuxième tour d’expo : « C’est super ! Et vraiment bien fait, particulièrement pour les jeunes. L’exposition met aussi l’accent sur les pollutions, au plastique notamment, c’est important. » Toute une partie de l’espace, intitulée « Un milieu sous pression », est dédiée à la surpêche et à la pollution donc. Fait inédit pour le parc national des Calanques, un panneau évoque frontalement la pollution aux boues rouges par l’usine Alteo de Gardanne. Mais tout cela, en promettant cette exposition aux abysses, la mairie ne semble guère s’en soucier…