« Macron est au-dessus de la moyenne »

octobre 2017 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Corinne Versini, référente de la République en Marche dans les Bouches-du-Rhône, invitée de la Grande Tchatche

le Ravi : Comment expliquer l’image déjà très négative de Macron considéré comme le président des riches ?
Corinne Versini : Peut-on juger une politique après 6 mois ? C’est la première fois qu’un gouvernement bosse autant à peine arrivé. Beaucoup de lois vont permettre de faire de grosses avancées en matière d’emploi. J’y crois encore. À fond ! Nous sommes obligés de prendre des mesures structurelles. Les premières réformes impopulaires sont jugées favorables aux patrons mais, à terme, elles le seront aux salariés. Il faut inclure les pauvres et les chômeurs : c’est le rôle de la deuxième partie de la loi travail avec le volet formation. Développons la mobilité dans notre pays. Des métiers disparaissent, c’est un fait, une évolution. C’est comme ça. Il faut aider les gens au chômage à se former pour retrouver du boulot même si c’est long.

Était-il si urgent de supprimer l’impôt sur la fortune ?
L’ISF coûte plus cher à récolter que ce qu’il rapporte. Et la plupart des très riches ne le payent pas car ils ont des montages fiscaux pour y échapper. Tout ce qui relève du capital dormant continuera à être taxé. En revanche, ceux qui réinjectent de l’argent dans l’économie ne seront plus imposés. Et heureusement !

Vous payez l’ISF ?
Si mon banquier vous écoute, votre question doit le faire rire : je suis en permanence à découvert ! Par contre des gens qui payaient l’ISF vont venir investir dans mon entreprise. Je compte là-dessus !

La loi travail autorise l’adoption à main levée d’accords dans les petites entreprises, est-ce bien raisonnable ?
Les PME sont des entreprises familiales. On se connaît tous. Pourquoi ne pourrait-on pas s’y exprimer ? Mes salariés ne sont pas toujours d’accord avec moi. Et heureusement ! Vous imaginez s’il n’y avait que des béni-oui-oui ? Mieux vaut avoir face à vous des gens solides qui puissent dire « attention, là c’est une connerie ». Je ne nie pas l’existence d’un rapport de force dans les entreprises avec un lien de subordination plus favorable à l’employeur mais il est en train de s’inverser. Nous recherchons en permanence des talents car on ne les trouve pas ! D’où l’importance de protéger les salariés mais aussi de les former, en favorisant l’apprentissage, pour pouvoir embaucher.

Baisser les indemnités aux prud’hommes, ce n’est pas une incitation à licencier ?
Jusqu’à présent, 80 % des jugements en appel aux prud’hommes concernant les indemnités de licenciement étaient annulés. On perdait du temps et ceux qui avaient vraiment subi un préjudice n’étaient pas pris en charge rapidement. Il vaut mieux être plus clair dans un cadre où les indemnités sont plafonnées…

Pensez-vous, comme Macron, que la jalousie des fainéants foutant le bordel paralyse la France ?
Vous sortez les phrases du contexte. Sur le fond, je ne suis pas jalouse. Ce n’est pas parce qu’il y a des gens devant qu’on va cracher sur les autres. Par contre on va s’occuper de ceux qui sont derrière et ont donc besoin de plus d’aide. En fait, les premiers de cordée on va les aider de moins en moins : ils ont déjà les capacités. Concernant la forme, trouveriez-vous normal que quelqu’un qui a 39 ans ait un langage ampoulé comme Valérie Giscard d’Estaing ? J’ai rencontré Emmanuel Macron quelques fois et j’ai été vraiment impressionnée. Il est au-dessus de la moyenne. Et s’il parle un peu comme nous, tant mieux ! Car au moins on peut le comprendre…

Pourquoi En Marche est-il aussi inaudible depuis la fin des élections ?
Nous sommes dans une phase de maturation. On termine notre structuration. Pour une fois, nous n’avons pas besoin de travailler dans l’urgence. Notre parti qui venait de naître a commencé à courir avant de savoir marcher. On a fait un sprint pendant la durée d’un marathon.

Que répondez-vous à ceux qui ont dénoncé dans le « 13 » votre autocratisme ?
Pour la désignation des référents, tous les animateurs locaux ont été appelés par Paris. Dans les Bouches-du-Rhône, mon nom est sorti majoritairement très nettement. Mais il est vrai qu’il a parfois fallu avancer à marche forcée. Une campagne, c’est un vocabulaire guerrier et ce n’est pas du tout agréable. J’ai pu faire des erreurs. Je suis parfois un peu sèche mais pas autoritaire. Si je peux déléguer, je suis la plus heureuse. Nous avons désormais une équipe très horizontale.

En Marche va-t-il s’exprimer sur les grands dossiers locaux ?
Ne vous inquiétez pas : tous les sujets locaux seront traités. J’ai déjà mon opinion, le gouvernement, le parti, les élus. Mais il faut voir aussi sur le terrain. Je veux appliquer dans les Bouches-du-Rhône notre méthode pendant la présidentielle pour que les gens qui vivent les problématiques quotidiennes puissent dire « voilà ce qui fonctionne, ce qui dysfonctionne, ce qui serait bien de mettre en place ».

Quel regard portez-vous sur les Républicains qui dirigent toutes les grandes villes du « 13 », le département, la métropole ?
Certaines villes ne sont pas si mal gérées car elles ne sont pas endettées. À Aix-en-Provence, par exemple, où les impôts locaux sont modérés.

Maryse Joissains va apprécier !
C’est un fait. Je ne dis pas ça pour la contenter. Les impôts sont moins élevés qu’à Marseille, une ville puissante mais pauvre et endettée.

On vous a prêté l’intention de devenir maire de Marseille. C’est un projet ?
Quand vous voyez ce qu’est Marseille ! C’est une ville qui ne doit pas être facile à gérer tous les jours. Arriver en politique pour un premier mandat et prendre la ville à 60 balais, je ne suis pas sûre que ce serait un cadeau. Arrêtez de dire que je veux être maire de Marseille, ce n’est pas mon but ! Marseille mérite une star. Pas quelqu’un comme moi.

Il y a une star parmi vos députés marseillais ?
Les députés sont des députés. Maintenant une loi nous empêche de cumuler. S’ils veulent être candidats aux municipales, ils doivent démissionner 2 ans avant. Qu’ils se positionnent. Mais je ne dis pas que LREM ne veut pas prendre Marseille !

Êtes-vous Républicain compatible, ouverte à d’éventuelles alliances ?
Nous sommes compatibles avec tous ceux qui veulent travailler, construire. Je n’ai pas de souci quand on a des valeurs partagées, quand on est des républicains au sens grec du terme.

Faut-il moraliser les pratiques politiques locales ?
On a toujours, toujours dénoncé le clientélisme. En même temps, c’est comme avec « balance ton porc » : je ne vais pas donner des noms. La justice est là pour faire son office. Concernant Jean-Noël Guérini, ce serait important pour notre département et pour ce monsieur que le procès ait lieu. Afin qu’il soit condamné ou innocenté. Je ne connais pas les tenants et les aboutissants de cette affaire.

Vous venez de révéler avoir été harcelée durant vos études. Le hashtag « balance ton porc » libère-t-il la parole des femmes ?
À l’école de chimie, un maître de recherche m’a proposé de coucher pour avoir ma bourse afin de continuer ma thèse. J’étais mère célibataire et il a dû me prendre pour une fille facile. J’ai refusé et j’ai fait le tour de tous les directeurs de la fac en disant qu’on ne pouvait pas laisser ce monsieur harceler les jeunes filles. À la rentrée, il n’a pas été réembauché et n’a plus jamais enseigné. Mais je n’ai pas fini ma thèse ! Il faut témoigner. Pourtant, avec les réseaux sociaux, on risque de tomber dans les excès, décrédibiliser des faits avérés. Il est nécessaire d’être prudent.

Propos recueillis par Michel Gairaud et Rafi Hamal