"Je ne suis pas dans la logique d’un sauveur suprême"

mars 2011 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Michel Vaxès, député PC des Bouches-du-Rhône, invité de la Grande Tchatche

Comment analysez-vous la montée du Front national ?
Elle est liée à un comportement délégataire que les médias encouragent et qui conduit sans cesse à la recherche du meilleur casting possible. Les citoyens essayent un candidat, puis un autre, puis un troisième. L’échec relatif de la gauche, puis celui plus net de la droite, poussent certains électeurs à rechercher d’autres voies. Mais ils veulent des personnalités ou des formations providentielles. Ils n’en trouveront pas, car ça n’existe pas ! Le changement ne viendra pas d’en haut. Quant à Marine Le Pen, elle ne propose aucune alternative au système économique actuel.

Comment expliquez-vous que le Front de Gauche, auquel participe le PCF, mobilise moins les électeurs que l’autre Front, celui du FN ?
Il est toujours plus difficile de faire la démonstration d’un théorème que d’une addition. Quand on entre dans la complexité c’est toujours plus ardu de se faire comprendre que lorsqu’on raconte des balivernes ou des choses extrêmement simplistes. Une révolution est nécessaire, non pas au sens violent du terme, mais au sens de renversement des logiques capitalistes qui conduisent droit dans le mur.

Marine Le Pen dit : « Ils ont tous été au pouvoir et ont fait la même politique, nous sommes la seule alternative ». Le PCF est-il encore capable d’apparaître comme une force nouvelle ?
Autant dire, « vous avez essayé ceci, vous avez essayé cela, essayez- moi ! », nous sommes encore dans la délégation de pouvoir. Aussi longtemps qu’on sera dans cette démarche là, on ne règlera aucun problème. Moi je crois au peuple et en sa capacité de changer les choses.

Il faut bien apporter une alternative aux gens qui descendent dans la rue, comme lors de la mobilisation pour les retraites, et n’ont pas été entendus. Qu’est-ce que vous leur dites ?
Je leur dis de privilégier la démocratie participative qui garantit que les engagements pris seront tenus. Il faut que les citoyens soient associés à la réflexion et à la décision dans tous les domaines.

Quand donnera-t-on des pouvoirs aux travailleurs dans les entreprises ?
Les syndicats existent déjà ! Là encore, nous sommes dans la représentation. Seul un rassemblement populaire peut permettre de porter des majorités d’idée. Quand on participe on est vigilant. Regardez Sarkozy et son engagement de résoudre tous les problèmes : des mensonges au moment de l’élection, puis la réalité des faits et enfin des décisions prises qui vont à l’inverse des promesses.

En juin, vous allez pourtant devoir choisir un candidat pour la présidentielle ? Jean-Luc Mélenchon attire la lumière, les médias et les électeurs mais incarne cette personnalisation que vous condamnez. Est-il une chance pour le PCF ou un boulet à traîner ?
Je suis hostile à la présidentialisation, favorable à une 6ème République. La désignation n’est pas ce qui m’agite. Peu importe la personne puisque je ne suis pas dans la logique de l’élection d’un sauveur suprême. Vous ne m’entrainerez pas à me prononcer sur les castings ! Je préfère un débat de fond. Comme celui que mène André Chassaigne sur le terrain depuis des mois (NDLR député PCF du Puy-de-Dôme, candidat à la candidature pour les présidentielles).

Votre position est plutôt radicale. Est-ce pour répondre aux reproches de manque de radicalité à l’encontre d’un PCF très lié par les jeux d’alliances avec le PS ?
Je ne confonds jamais les organisations et les idéaux, l’Église et la foi. Ce sont deux choses qui peuvent converger, mais qui divergent parfois. Ce que je crois, c’est que plus vite le PCF avancera dans la confiance que c’est le rassemblement populaire qui doit prendre le dessus par rapport aux alliances, mieux ce sera.

Mais quand le PCF, dans les Bouches-du-Rhône, dit oui à un Jean-Noël Guérini, président socialiste du conseil général partisan d’une ligne très social démocrate, vous partagez ce compromis…
Il faut regarder les politiques qui sont conduites, si elles vont dans le sens des citoyens il faut les soutenir. Lorsqu’on a la charge de mettre en œuvre des programmes, on ne peut pas se réfugier dans « puisqu’on ne change pas tout, on ne change rien ». Ça n’a pas de sens. Une avancée possible, je la soutiens. Si un recul se profile, je le combats.

L’élu communiste Alain Belviso a été mis en examen dans l’affaire Alexandre Guérini sur les marchés liés aux déchets. Que dites-vous aux camarades d’Aubagne (13) ?
Je suis pour l’honnêteté mais aussi pour la présomption d’innocence. Il faut que la justice passe, je ne sais pas ce que la justice va dire et je ne me substituerai pas à elle. Si elle condamne, elle condamne, s’il n’y a rien c’est qu’il n’y a effectivement rien eu.

Comprenez-vous que les électeurs soient manifestement sensibles au climat politico-judiciaire ?
Ils ont raison de regarder ! Mais les polariser sur ce seul choix serait dramatique de conséquence parce que ça voudrait dire qu’on ne regarderait plus ce qui se fait, mais seulement qui a fait quoi.

On a compris que vous ne vouliez pas vous exprimer sur le cas de Jean-Noël Guérini. Doit-il, comme le réclame Europe Écologie, le NPA et des élus UMP, passer le relais ou non au conseil général ?
Prenons la politique de la ville. Pour mener mes actions j’ai toujours trouvé du soutien auprès du conseil général et régional alors que ce gouvernement remet en cause ces mesures favorables à la rénovation urbaine. Je me prononce sur les actions et pas sur ceux qui les portent. Si elles s’inscrivent dans un rapport de force favorable à ceux qui sont hostiles au système actuel, elles ont mon soutien.

Suite à la récente catastrophe au Japon, le PCF, historiquement nucléocrate, doit-il changer de position ?
A l’époque, tous les partis étaient favorables au nucléaire. Je suis pour un débat public transparent qui ne peut pas être un raccourci manichéen car le sujet est compliqué. Tous ceux qui se prévalent d’une position radicale n’ont pas encore démontré comment faire différemment, de se priver tout-à-fait d’une source d’énergie. Il faut réfléchir aux meilleurs équilibres à trouver. Mais n’oublions pas que la catastrophe au Japon est d’abord une catastrophe naturelle, n’inversons pas les choses.

Défendez-vous en quelque sorte une forme de « nucléaire durable » ? En paca, les élus communistes ont été de fervents partisans d’Iter, le réacteur nucléaire expérimental…
J’espère qu’il ne vous a pas échappé qu’il existe une différence entre fusion, qui va être étudiée à Iter, et fission. C’est peut-être dans les deux cas du nucléaire mais lorsque vous passez une radio ou un scanner c’est aussi du nucléaire !

En 2012, allez-vous vous présenter une quatrième fois aux législatives ?
Je suis fidèle à mes convictions politiques et je ne m’accroche à aucun mandat. Je laisserai donc ma place.