"Il fallait être les deux doigts sur la couture du pantalon"

juin 2011 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Marie-Arlette Carlotti, élue municipal PS à Marseille, invitée de la Grande Tchatche

Après le printemps arabe, les indignés en Espagne puis en Grèce, le malaise social va-t‑il arriver jusqu’à nous ?
Je suis très heureuse que les peuples réclament leur dignité. Si l’on continue de considérer la jeunesse française comme on le fait, à la prendre pour le paria de la société, alors elle s’indignera à son tour. Il faudra, lors de la campagne de la présidentielle, être capable de parler aux jeunes, c’est sur eux qu’il faut parier. Sinon, on aura raté l’élection.

François Hollande est-il vraiment le mieux placé pour parler à la jeunesse et incarner l’espoir d’un véritable changement ?
Et pourquoi ne le serait-il pas ? Parce qu’il lui manque des cheveux et qu’il n’a pas de perfecto ? C’est un social-démocrate qui veut porter concrètement les aspirations des gens, leur mal-être. Il met la priorité sur la jeunesse, l’éducation, la culture… S’il parle davantage d’écologie – et il ne le fait pas assez aujourd’hui – ; s’il parle davantage des questions de société, alors oui, il portera un espoir. Il a toute la crédibilité nécessaire auprès des gens, les sondages le disent. Maintenant, il faut qu’il les fasse aussi rêver.

En juin, vous avez participé à une réunion de section à Marseille sur la sécurité. Ce thème vous semble-t-il central ?
Un problème récurrent à Marseille et ça suffit. On nous avait tellement dit : « vous allez voir ce que vous allez voir », que ce soit Nicolas Sarkozy ou Jean-Claude Gaudin. Mais au final, rien n’est fait. Je souhaite réellement qu’on recrute des policiers avec, en parallèle, une police municipale pour plus de présence physique sur le terrain…

Une police municipale armée ?
Non. Cela relève de la police nationale et chacun doit faire son travail. La police nationale le fait aujourd’hui, mais avec des moyens de plus en plus réduits. Les policiers municipaux doivent jouer un autre rôle, plus citoyen, plus quotidien. Sur la vidéosurveillance, je suis pour des caméras devant les lieux où il y a une population fragile comme les écoles, dans les transports… Mais je crois aussi qu’il faut faire très attention à l’équilibre entre la protection des gens et le respect de la vie privée.

Mais ne participez-vous pas à une dérive sécuritaire ? Ne vaut-il pas mieux combattre l’injustice sociale, véritable cause de l’insécurité ?
On a longtemps accusé les socialistes d’être laxistes sur l’insécurité, peut-être a-t-on eu besoin d’en faire un peu plus. Mais bien sûr, la première des injustices, c’est l’injustice sociale, fiscale, celle devant l’accès à l’emploi, au logement, etc. Et c’est vraiment là qu’on devra apporter de réelles réponses.

Concernant le social, justement, qu’adviendrait-il de la réforme des retraites si un socialiste était élu ?
Le projet des socialistes, approuvé par tous les militants, est le socle commun de tous les candidats : on maintiendra la possibilité de partir à la retraite à soixante ans. Mais le nombre d’annuités restera le même qu’aujourd’hui. On arrivera à trouver un compromis. François Hollande fera une grande conférence avec les organisations syndicales dès le début de son mandat et toutes ces questions seront abordées.

La primaire socialiste peut-elle favoriser un fichage politique comme l’UMP le dénonce ?
L’UMP se moque de nous. Soyons sérieux. Dans une ville comme Marseille, vous pensez qu’on va pouvoir ficher les gens ? La CNIL a déjà travaillé sur les primaires et a donné son accord. Les abstentionnistes des dernières élections cantonales ont-ils rencontré des problèmes ? Si un salarié du conseil général n’est pas venu voter, est-ce qu’il a été sanctionné ? Pas du tout !

Des critiques contre les primaires viennent de la gauche également, Michel Vauzelle parle de machine à perdre…
À juste titre. Il y a un risque. C’est ce qu’attend l’UMP. Je soutiens aujourd’hui François Hollande. Si d’aventure il venait à perdre la primaire, eh bien je soutiendrai le gagnant. Si nous ne sommes pas capables d’être dignes, de nous respecter et d’organiser des primaires dans la transparence, alors on aura perdu. Il faut faire attention.

Alain Richard va bientôt rendre son rapport sur l’enquête interne concernant la fédération PS des Bouches-du-Rhône. Que lui avez-vous dit ?
Je lui ai dit qu’il fallait être les deux doigts sur la couture du pantalon et que si on ne le faisait pas, qu’on voulait montrer son indépendance d’esprit, on était sanctionné. Alors que je suis tout à fait dans la ligne de mon parti.

Y a-t-il eu des élections truquées, des adhésions bidon payées en chèque et remboursées en liquide par exemple ?
Nous avons remis à Alain Richard le rapport du sénateur Yannick Bodin, qui montre que dans certaines sections, la pression était très forte. Je ne sais pas si c’est allé jusqu’à truquer des élections, mais la consigne a été très forte et très entendue. Des adhésions bidon ? Je crois que derrière chaque carte du parti, il y a quelqu’un. Après c’est possible… Peut-être pour rendre service à un élu, ne pas le contrarier… Tout ça ne peut pas fonctionner. Cela fonctionne un peu, mais ça ne peut pas être la règle.

Et des pratiques clientélistes internes ?
Quand 60 % ou plus des responsables fédéraux sont, soit salariés du conseil général, soit conseillers généraux – c’est mon cas – ou dépendent de façon directe ou indirecte du conseil général, ce n’est pas normal. Donc oui, c’est du clientélisme interne. Il existe des dysfonctionnements, on veut et on doit y mettre fin. Cela crée un certain discrédit politique et moi, je veux faire de la politique, défendre des idées et ne plus parler des magouilles.

Vous avez longtemps travaillé en bonne intelligence avec Jean-Noël Guérini, ce qui n’est plus vraiment le cas. Pourquoi alors avoir voté pour sa reconduction à la tête du conseil général en avril dernier ?
Pourquoi d’abord avoir eu le courage de lui dire que j’avais besoin d’explications, que je ne voulais pas lui donner un chèque en blanc ? Je suis la seule à l’avoir fait. Jean-Noël Guérini n’est pour l’instant pas mis en cause sur le plan des affaires mais sa personne a jeté un trouble, son nom est cité dans la presse. C’est de cela que je voulais discuter avec lui, lui dire qu’il fallait un débat au sein du groupe socialiste. Alors oui, j’ai voté pour lui. Mais en tout cas j’aurais voulu qu’il en parle. Qu’il ne nous dédaigne pas, c’est-à-dire qu’il parle des difficultés que nous avions rencontrées durant la campagne des cantonales, un peu à cause de lui.

Jean-Noël Guérini vient de mettre en place un « gouvernement » pour une direction plus collégiale du conseil général. Bonne initiative ? Vous n’en faites pas partie ?
Ah non… C’est mieux d’entendre ceux qu’on a envie d’entendre, donc il vaut mieux choisir les participants, comme ça, pas de surprises. Que Jean-Noël Guérini décide à plusieurs, ce sera un scoop ! On verra dans quelques mois, pourvu que ça dure !

Autre dossier que vous suivez de près, celui de la gestion locale de l’eau. La communauté urbaine et son président socialiste s’apprêtent à réattribuer ce marché à la SEM, filiale de Veolia, au lieu d’opter pour un retour en régie publique comme le PS le préconise en théorie. Partagez-vous ce choix ?
Ce qui m’intéresse, c’est la traduction que ce choix aura sur les consommateurs. En général, tout ce qui est service public, j’adhère, parce qu’on maîtrise les choses, et donc le prix. La position de MPM aujourd’hui, c’est de dire « je n’ai pas les moyens de reprendre à mon compte financièrement – vous connaissez la situation du budget de la ville et de MPM – la totalité de la gestion de l’eau en régie directe ». Ce que je comprends aussi, on est énormément lié à la situation financière désastreuse de la ville. Marseille n’est pas comparable aux autres grandes villes de France.

Pour finir, vous avez déjà été députée, est-ce que vous avez envie de le redevenir en 2012 ?
Franchement, si François Hollande est président de la République, j’ai bien envie d’accompagner sa victoire, de continuer derrière lui et de gagner. J’ai envie d’être candidate, mais c’est mon parti qui décide, puis les citoyens.