« Tout le monde se gentrifie ! »

septembre 2016 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Laure-Agnès Caradec, présidente (LR) d’Euroméditerranée, invitée de la Grande Tchatche

Pourquoi soutenir, comme la quasi-totalité des grands élus de la Région, Nicolas Sarkozy pour la primaire des Républicains ?
Je suis assez constante, j’étais pour lui la fois dernière, je suis pour lui cette fois-ci. Il a l’expérience et la volonté. Certes il est clivant mais il peut être aussi raisonnable et tirer les enseignements de ses erreurs passées.

Vous avez des ancêtres gaulois ?
Je suis bretonne alors oui, forcément…

Radicaliser le discours de la droite républicaine ne risque-t-il pas de faire encore plus progresser l’extrême droite ?
Justement, il ne faut pas courir derrière le discours du FN. Les Français sont en attente d’un discours qui les rassure car l’hystérisation renforce tous ces clivages et cette impression de situation explosive.

Vous êtes sûre de ne pas vous tromper de candidat ?
Quel que soit le candidat, je serai derrière et je me battrai pour qu’il gagne. Celui qui peut paraître le plus neuf, c’est Bruno Le Maire mais il aura toute sa place si un candidat de la droite républicaine emporte la Présidentielle.

Marseille devrait-elle accueillir plus de migrants et de réfugiés ?
La France est évidemment une terre d’accueil mais dans quelle proportion peut-on recevoir les gens correctement ? L’arrivée de tous ces migrants peut inquiéter, c’est compréhensible. Sommes-nous en capacité de les absorber quand ils n’ont pas la même culture, qu’ils ne parlent pas français ? A Marseille on fait déjà beaucoup. Nous ne sommes pas une ville très riche. A un moment, on n’arrivera pas à tout financer même avec la meilleure volonté du monde.

Tous les candidats de la primaire LR promettent d’aller plus fort que la loi travail qui suscite pourtant beaucoup de rejet. Ne craignez-vous pas de fracturer plus encore la société française ?
Nous avons un pays fragilisé parce qu’il est sclérosé par toutes les lois. Il a un réel besoin de réformes structurelles. Il faut rendre plus de souplesse au marché du travail et favoriser l’initiative privée. Aujourd’hui, un chef d’entreprise hésite à recruter car il sait que lorsqu’il a une baisse de son chiffre d’affaire il ne pourra pas licencier.

Le renouvellement, c’est important en politique ?
Oui car les nouvelles générations sont plus confrontées aux réels soucis de la société française. Ils sont plus à même d’intégrer qu’il faut un changement de modèle.

Vous perpétuez pourtant la tradition du cumul des mandats… Toutes vos casquettes, n’est-ce pas trop pour une seule femme ?
En tant qu’adjointe au maire, j’ai rendu une partie des charges à mon collègue Robert Assante. Mais toutes mes délégations ont un lien, elles sont liées à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme. L’avantage de ces multiples casquettes c’est que tout le monde travaille en transversalité. Sur l’ensemble de mes mandats, mes salaires sont de toute façon plafonnés. Au final, il me reste 5 000 euros. Concernant le cumul, je crois utile qu’un parlementaire qui a un exécutif puisse le défendre à Paris. Mais l’important ce serait surtout de créer un vrai statut de l’élu.

Quel bilan tirez-vous de la première phase d’Euroméditerranée ?
Elle a complètement changé l’image de Marseille. Euromed 1 a fait en sorte de repositionner Marseille sur le bassin méditerranéen comme l’une des grandes métropoles avec un centre d’affaire, un linéaire littoral complètement aménagé et une restructuration engagée à l’arrière du port. Aujourd’hui, il va y avoir un vrai campus urbain autour de la porte d’Aix. Pour toute la ville, c’est vraiment une immense plus-value.

Euromed, rue de la République par exemple, n’est ce pas aussi une « gentrification », le remplacement des plus pauvres par des classes moyennes et supérieures ?
Avez-vous vu en 20 ans de mandats de Jean-Claude Gaudin des déportations massives ? Rue de la République personne n’est resté sur le carreau, personne. Tout le monde a été relogé. Il n’y a pas eu de déplacement de population.

Un quartier d’affaire est sorti du sol mais le compte y est-il côté infrastructures publiques et cadre de vie ?
En 1995, l’autoroute arrivait porte d’Aix. Du côté du J1, il y avait aussi une autoroute et des passerelles à la Major, alors transformée en un rond point. Aujourd’hui, il y a des esplanades, le jardin Vaudoyer est un succès et la porte d’Aix va devenir un grand parc urbain. L’objectif, avec Euromed 2, est aussi de faire le lien entre les quartiers nord et les quartiers sud via un grand parc de 12 hectares à la place de la gare du Cannet. Actuellement, tout est fractionné par des friches, par un manque de transports en commun…

Allez-vous vous donner les moyens d’entretenir ces nouveaux espaces publics ? L’emblématique parc du 26ème centenaire, de l’autre côté de la ville, est déjà très dégradé…
Moi au 26ème centenaire, je vois des familles, des boulistes. D’accord, il n’y a plus d’eau mais pourquoi à Marseille tout est systématiquement dégradé là où les Marseillais devraient être reconnaissants des efforts de la municipalité ? Il y a un très mauvais respect de l’espace public par les usagers. L’incivisme au quotidien est terrible. Pour la propreté c’est pareil. La Canebière est propre tous les matins mais le soir…

Quelles sont vos ambitions pour Euromed 2 ?
La sociologie du territoire est complètement différente. On arrive sur le quartier des Crottes qui est vraiment difficile. On veut y réaliser une éco-cité, une ville méditerranéenne durable qui tienne compte de notre climat, des bâtiments reliés à une source de thalassothermie, l’intégration d’innovations numériques, de l’auto-partage…

Est-ce que, là encore, les populations paupérisées vont pouvoir suivre ?
Certains espaces ont une réelle plus-value comme le marché aux puces, avec notamment la halle alimentaire qui répond à un besoin social des populations environnantes. Ils sont aujourd’hui dégradés en termes de sécurité, de parking, d’accessibilité. Mais on peut redynamiser ces lieux-là en gardant tous leurs atouts. L’objectif c’est aussi de développer de l’économie et de l’emploi pour la population marseillaise.

Les Docks des Suds, qui doivent laisser place à un « parc habité », doivent-il trouver refuge ailleurs ?
Aujourd’hui l’activité de la Fiesta des Suds, dont Marseille ne doit pas se priver, n’est pas compatible avec l’arrivée des logements dans le parc habité. Par contre, pour toute l’activité annexe des Docks des Suds – congrès, petits événements – on peut voir comment ça peut cohabiter.

Une Fiesta des Suds plus au Nord serait-elle envisageable ?
Bien sûr ! Les Docks ont eu une attitude d’avant-gardistes, à leurs débuts, dans les quartiers difficiles. On parlait de gentrification tout à l’heure, tout le monde se gentrifie visiblement ! Mais ils peuvent peut-être, demain, redevenir des défricheurs urbains sur le projet « XXL » dans le périmètre du marché aux puces…

Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Sonia Beneteau