« Les jeunes sont les premières victimes des crises »
Pour quelles raisons les jeunes sont-ils plus vulnérables face à la crise économique liée au Covid ?
On vit une crise d’une très grande ampleur, plus grande que les dernières, même s’il est trop tôt pour la chiffrer. Et dans toutes les crises économiques, quand il y a du chômage, les jeunes sont les premiers touchés par les non créations d’emplois, les premières victimes de l’accès à l’emploi. Ils ont également été fragilisés sur d’autres registres. Pour ceux qui sont en formation ou en études, les cours ont été transformés ; pour certains ça a été facile, pour d’autres beaucoup plus compliqué. D’autres, encore, ont vu leur stage rompu ou ont dû se mettre en télétravail, ce qui n’est pas banal quand on entre dans la vie active. Qu’est-ce que ça veut dire pour eux d’entrer dans le monde du travail et d’être privés de collectif ?
Les plus fragiles sont donc encore plus fragilisés ?
Assez classiquement, il y a un risque d’accentuation des inégalités. Les plus vulnérables sont les moins diplômés et ceux qui bénéficient des conditions de départ moins favorables. Ils subissent plus de décrochages, auront des diplômes moins importants et donc plus de mal à se raccrocher à un parcours d’emploi.
Quelles ont été les conséquences pour les jeunes de la crise de 2008 ?
Il y a eu un ralentissement global des rémunérations, même pour les diplômés, et un accès à l’emploi stable plus long et plus compliqué que pour la génération 1998. Après sept années de vie active, les rémunérations étaient neuf fois moins importantes chez les diplômés du supérieur.
Que penser des annonces gouvernementales ?
En 2008, le France a eu l’illusion qu’elle allait passer au travers de la crise et ça a été un gros loupé. Là, au moins, le gouvernement a conscience que ce ne sera pas le cas. Mais les mesures ne sont pas à la hauteur. Celles en faveur de l’apprentissage demandées par le Medef, comme des aides à l’embauche, ont peu d’effets en terme d’autonomie. Mais quand on demande une extension du RSA aux moins de 25 ans, on nous dit qu’on ne peut pas commencer la vie comme ça. Finalement, la seule aide proposée, ce sont les 200 euros que le gouvernement a débloqué, via les missions locales… Prennent-ils vraiment la mesure des effets de la crise pour certains jeunes ?
Quant à l’idée du revenu universel… On oppose toujours son financement. Pourtant, le revenu universel pourrait être très intéressant pour en finir avec le non recours à des aides d’une partie de la population [minimas sociaux ou prestations sociales, Ndlr] ou avec les idées reçues sur les profiteurs ou l’assistanat. Il pourrait également être très incitatif afin de laisser chacun choisir de travailler plus ou pas, pour remettre à niveau les relations hommes-femmes. Et bien sûr pour les jeunes, qui seraient peut-être moins obligés de faire des boulots proches de l’esclavage.
Les métiers de la culture, du tourisme, de la restauration sont les premiers touchés. Quel sera l’impact pour les jeunes de Paca ?
L’hôtellerie-restauration est le premier secteur d’accueil des jeunes sur le marché du travail. Dans notre région cela va donc être très difficile. Mais il y a un espoir que beaucoup de gens y viennent en vacances et que l’été soit finalement plus clément.
Propos recueillis par Jean-François Poupelin
« Entrée dans la vie active et débuts de carrière : entre effets conjoncturels et évolution des normes d’emploi. Comparaison sur cinq cohortes d’entrants sur le marché du travail », par Di Paola Vanessa, Méhaut Philippe, Moullet Stéphanie, Revue Française de Socio-Économie, 2018/1 (n° 20), p. 235-258.