Et surtout la santé !

décembre 2020 | PAR Jean-François Poupelin
La santé est l'un des enjeux majeurs auxquels sont confrontés les quartiers populaires de Marseille. Ce supplément très spécial, réalisé avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre, vise à les mettre en lumière. Il y a urgence d'agir : les difficultés d'accès aux soins, les risques spécifiques, ne datent pas de mars dernier. Mais l'épidémie de Covid-19 renforce encore les inégalités sociales, territoriales et sanitaires.

Lors du premier confinement, les ados s’amusaient à dire que le virus ne rentrait pas à Ruisseau Mirabeau, une cité du 15ème arrondissement de Marseille. Directeur du centre social Les Musardises, un des rares acteurs du quartier où nous avons lancé un projet de journalisme participatif avant de l’arrêter suite aux restrictions sanitaires, Frédéric Travers est plus prudent sur la seconde vague : « On n’a pas de lecture, on voit juste qu’il y a des cas, comme à l’école. » Un peu avant le reconfinement, il a par contre fait un stock de colis alimentaires. Dans cette cité enclavée, la crise sociale est particulièrement violente. Comme dans les autres quartiers populaires de la ville, parmi les arrondissements du Nord notamment.

Mais chacun s’accorde pour dire que la maladie les touche tout aussi fortement. En l’absence de données, c’est la Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France, auquel Marseille est souvent comparée, qui sert d’exemple. L’Agence régionale de la santé, renvoie ainsi directement à l’étude de l’Institut national d’études démographiques sur les raisons de la surmortalité due au virus dans ce département (1). « A Marseille la première vague n’a pas vraiment frappé, mais que ce soit en Seine-Saint-Denis, en Espagne ou aux USA, tous les rapports montrent que c’est dans les quartiers populaires que l’on meurt le plus de la Covid, acquiesce Florent Houdmon, le directeur régional de la Fondation Abbé Pierre. C’est là que l’on trouve les salariés de première ligne, mais aussi les taux les plus importants de sur-occupation des logements. Plus tu te confines, plus il y a d’humidité dans un logement, donc une aggravation de l’état de santé. »

Épidémie d’inégalités de santé

« Les épidémies pédiatriques – bronchiolite, grippe, gastro – ont été cassées. Mais rester dans des logements dégradés a eu un impact sur la scolarisation, pour les asthmatiques, sur la santé psychique, confirme Rémi Laporte, pédiatre à l’hôpital Nord et responsable de la consultation santé-environnement de la Permanence d’accès aux soins de santé Mère-enfant. Après le premier confinement, beaucoup d’enfants se sont aussi plaints de syndromes psychogènes, des ados ne voulaient plus sortir de chez eux. » « Il n’y a pas de veille particulière, mais il est évident que vivre à dix ou douze renforce le risque de transmission, note de son côté Aloys Vimard, de Médecins sans frontières. D’autant que les foyers sont souvent intergénérationnels, que les quartiers sont enclavés et que les gens ont des problèmes d’accès à leurs droits. » Une certitude pour l’infirmier : « C’est dans ces quartiers que l’on trouve les cas les plus importants de comorbidité et de situations plus exposées avec des complications. »

Et pour cause. Les quartiers populaires de Marseille, et du nord de la ville en particulier, sont victimes d’une épidémie d’inégalités sociales et territoriales de santé. Diabète, obésité, maladies respiratoires y explosent par rapport au reste de la ville. Les raisons : la précarité, le mal-logement, les pollutions multiples et variées, difficultés d’accès aux soins et à la santé. Et l’abandon de ces territoires depuis des dizaines d’années par la municipalité, dans le domaine de la santé comme dans de nombreux autres.

1. Ined.fr, « Surmortalité due à la Covid-19 en Seine-Saint-Denis : l’invisibilité des minorités dans les chiffres », juillet 2020.