Le virus de la citoyenneté

novembre 2020 | PAR Samantha Rouchard
Le Ravi a suivi les jeunes marseillais du programme "Jeunes des deux rives" de la Ligue de l'enseignement des Bouches-du-Rhône. Et même si, Covid oblige, ils devront attendre pour atteindre l'autre rive, ils ont pu participer à des ateliers créatifs tout l'été...

« Le Covid a mis un coup d’arrêt aux échanges internationaux. Ils sont pourtant un carburant puissant pour les jeunes. Mais malgré tout, ils ont joué le jeu en participant aux stages créatifs », explique Karim Touche, délégué général adjoint de la Ligue de l’enseignement des Bouches-du-Rhône. Depuis trois ans, le Ravi suit les adolescents et jeunes adultes des centres sociaux et maisons pour tous, gérés, ou partenaires, de la Ligue 13, volontaires pour participer au projet Jeunes des deux rives (J2R). Mis en place par la Solidarité laïque suite aux attentats de 2015, ce programme permet aux jeunes des quartiers populaires une ouverture sur le monde. À travers des ateliers créatifs, où ils partagent et débattent, puis des chantiers humanitaires sur l’autre rive de la Méditerranée ou en Europe.

Pendant trois ans, la région Paca a servi de pilote au projet. En 2020, J2R s’ouvre à six autres régions. Mais c’était sans compter sur l’émergence d’un virus qui confine et impose le repli sur soi. 2020, en écho à 2015 avec ses attentats, rappelle plus que jamais l’importance de rencontrer l’autre. Les animateurs de la Ligue ont du s’adapter, être force de proposition pour motiver les jeunes. « Il a fallu faire sans la carotte du voyage », souligne Karim Rahali, coordinateur du projet pour la Ligue 13. Mais l’été fut riche : on y a parlé fake news aux Lilas (13ème), violences sexistes à Bompard (7ème), développement durable à St Joseph (14ème) et à l’Huveaune (11ème), discrimination et handicap à l’Estaque (16ème) et à la Solidarité (15ème), migrations à la Gavotte-Peyret, origines aux Bourrelys (15ème).

Même sans voyager, les jeunes que nous avons croisés étaient contents d’être là, ne serait-ce que pour retrouver les copains après deux mois de confinement, très compliqués à vivre dans certains quartiers. Par contre, le week-end cohésion au Frioul qui permet à tous les centres de se rencontrer, a manqué : « On a un bon groupe qui revient à chaque fois et qui aime débattre, mais ce qu’ils préfèrent avant tout c’est retrouver les autres jeunes de la Ligue », explique Samia Hadj Chikh, adulte relais et animatrice au centre social La Gavotte-Peyret à Septème les Vallons. Des rencontres entre différents centres sociaux ont tout de même pu être organisées pour quelques ateliers.

Après trois ans de phases pilotes, directeurs et animateurs de centres sociaux s’accordent à saluer les effets positifs du dispositif. « Je vois évoluer certains jeunes, ils sont en demande, ils reviennent, note Samia Hadj Chikh. Le centre social et les projets que l’on propose leur servent de repères. » En 2019 nous avions croisé, au Frioul, Sofia,15 ans, alors pas très motivée, juste venue pour être avec ses copines. Cette année, elle s’est investie à fond dans les journées de rencontre avec les demandeurs d’asile, manifestant une bienveillance de chaque instant.

Certains jeunes choisissent ensuite de devenir animateurs. C’est le cas d’Azo, 24 ans. Il a participé à la première année de J2R avec le centre social des Musardises (15ème). L’année d’après il était accompagnateur. Depuis, il a passé son brevet professionnel d’animateur sportif (BPJeps) et travaille à la maison pour tous de la Belle de Mai. Il s’apprête à passer son diplôme pour devenir directeur de structure. Joli parcours ! Avant le Covid-19, il avait prévu d’organiser un échange avec la Côte d’Ivoire. Il envisage dans le futur un projet avec le Japon. « J2R m’a inspiré », explique Azo. Et de conclure : « Lors des ateliers, les jeunes apprennent à débattre, à avoir des arguments, à prendre la parole. Quant au voyage, ça permet d’ouvrir son esprit et de lever les préjugés. »

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