« Pour reconstruire, c’est un marathon »

décembre 2013 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Jean-Marc Coppola, candidat Front de Gauche à la mairie de Marseille, invité de la Grande Tchatche
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La stratégie du Front de Gauche diffère d’une ville à l’autre pour les municipales. Au risque de l’incohérence?

Cela fait des années que le PCF a abandonné le centralisme démocratique, cette pratique où les décisions étaient toujours prises au sommet de la direction du parti. C’est aux communistes et aux adhérents du Front de Gauche de décider souverainement de leurs stratégies locales.

Les socialistes marseillais sont-ils moins fréquentables que les parisiens, avec lesquels le PCF fait alliance dès le 1er tour ?

Non ce n’est pas ça. A Paris, les communistes sont membres de la majorité sortante, dotés d’un bilan commun avec le PS et les écologistes. A Marseille, la logique d’une élection à deux tours doit s’appliquer : au premier on choisit, au second on élimine.

Vous avez eu des mots très durs sur les primaires locales du PS. Pourquoi ne pas applaudir ce processus démocratique ?

Demander à des gens de toutes sensibilités politiques de départager des candidats qui ne sont pas capables de le faire entre eux, alors qu’ils proposent exactement la même chose, je n’appelle pas ça de la démocratie. C’est du démocratisme. Ne me dites pas que les débats qui ont eu lieu ont permis d’avoir une claire idée de ce que propose le parti socialiste !

Quand Jean-Luc Mélenchon affirme que « les sociaux-démocrates sont la camisole de force des peuples », c’est excessif ?

Le verbiage de Jean-Luc Mélenchon vise à utiliser pleinement une société de communication pour attirer les médias, pour essayer de se faire entendre.

Au risque de prendre des accents populistes ?

Oui, c’est complètement ça. Le populisme n’est pas du tout ma conception de la politique. C’est la raison pour laquelle je préfère parler de démocratie, d’intervention citoyenne.

Y a-t-il un risque d’explosion du Front de Gauche ?

Il y a plus de fondamentaux communs qui rassemblent les différents mouvements du Front de Gauche que de choses qui nous différencient.

Il y avait autrefois à Marseille un maire d’arrondissement et un député communiste. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les sondages vous donnent entre 7 et 9 %. Est-ce que vous pensez pouvoir rattraper le temps perdu ?

Le temps perdu ne se rattrape pas et pour reconstruire, c’est un marathon. Mais nous sommes dans une crise politique qui dépasse largement le PCF et le Front de gauche. Qui dirige aujourd’hui le monde ? Qui dirige notre pays ? Est-ce véritablement ceux qui ont des mandats ? La démocratie est menacée et c’est la finance qui décide de tout.

L’électorat communiste migre-t-il vers le Front national ?

Attention aux clichés ! Les vases communicants se font entre la droite et l’extrême-droite. A Marseille par exemple, en 2008, un an après l’élection de Nicolas Sarkozy, les voix du Front national ont été complètement aspirées par l’UMP. Vous trouverez bien sûr des travailleurs qui se font berner. Il faut démasquer politiquement le FN. Les élus d’extrême droite ont déjà géré Toulon, Vitrolles, Marignane. Ils sont aussi corrompus et ont les mêmes pratiques que d’autres. Tout ce qu’ils critiquent, ils le font.

Vous affirmez que le bilan de Jean-Claude Gaudin ne se caractérise pas par l’immobilisme…

Vous rendez-vous compte de tout ce qu’il a fait ? Entre les hôtels 5 étoiles, les tunnels routiers payants, les inégalités qui se sont accentuées à Marseille, les services publics qui ont déserté de nombreux quartiers, avec maintenant son projet de casino, Jean-Claude Gaudin est un maire très actif.

Pour vous, il ne suffit pas de réhabiliter les cités, il faut les reconstruire. C’est à dire ?

Je ne m’en tiendrai pas simplement à une réhabilitation avec un coup de peinture et une fausse porte blindée. En concertation avec les intéressés, il faut construire et donc utiliser le foncier plutôt que de le donner à des grands groupes privés.

Sur la création d’une grande métropole, sur laquelle le gouvernement semble beaucoup miser pour aider Marseille, vous êtes plus que sceptique…

C’est un éloignement des centres de décisions des citoyens et donc un recul de la démocratie de proximité. Est-ce que c’est une institution de plus qui va arranger les choses ? J’ai posé clairement une question, par exemple, à Marylise Lebranchu (ministre de la décentralisation) : « Vous dites que la métropole va régler la question des transports, combien l’État est prêt à mettre là-dessus ? » J’attends encore la réponse…

Vous ne croyez guère non plus au cadeau de 3 milliards annoncé par le Premier ministre pour Marseille. Pourquoi ?

2,5 milliards sont censés être consacrés pour réhabiliter la gare Saint-Charles qui a déjà été rénovée il y a six ans pour 1 milliard d’euros. Est-ce vraiment la priorité ? De plus, ce ne sera pas avant 2020. Jean-Marc Ayrault a surtout voulu faire un effet d’annonce pour ses camarades socialistes en campagne. Mieux vaudrait développer le métro et le tramway vers les quartiers qui en sont dépourvus, au Nord, bien sûr, mais aussi au sud.

Vous voulez, vous aussi, en finir avec le clientélisme et réclamez plus de probité en politique.

En tant qu’élu, je suis tranquille. On ne me prendra jamais sur les questions d’honnêteté. Il faut être exemplaire quand on fait de la politique

Approuvez-vous les conseillers généraux communistes qui votent systématiquement pour soutenir Jean-Noël Guérini ?

Mes camarades votent pour des politiques qui sont utiles aux bucco-rhodaniens. Vous ne me ferez pas dire ici du mal d’eux.

Considérez qu’il est normal qu’un président d’une institution mis en examen pour association de malfaiteurs continue à siéger ?

Je pense que ce n’est plus sa place. Mais je ne veux pas faire ni les censeurs ni les juges. Ce qui me révulse, c’est que la justice manque de moyens et ne soit pas assez efficace et assez rapide.

Un sujet d’actualité pour finir. La SNCM doit-elle rembourser 440 millions d’euros comme le réclame l’Union Européenne ?

3 000 emplois sont menacés. Le ministre des transports dit « nous ne paierons pas » et c’est très bien. La SNCM est une entreprise viable. Il faut des garanties de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations pour mettre en œuvre un plan industriel avec la construction de quatre bateaux. Il faudrait aussi parler de la concurrence déloyale de Corsica Ferries dont les comptes sont loin d’être transparents…

Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Hugo Verit