« Je fais appel à l’intelligence de Jean-Noël Guérini »

mars 2013 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Nathalie Pigamo, vice-présidente du groupe PS à la mairie de Marseille, invitée de la Grande Tchatche

La fédération socialiste des Bouches-du-Rhône vient d’être mise sous tutelle. C’est une bonne nouvelle ?
J’ai beaucoup hésité avant de demander cette mise sous tutelle parce qu’on aurait pu d’abord espérer une mise en retrait de son 1er secrétaire ou une direction plus collégiale. Mais force est de constater que le système était verrouillé. Depuis cinq mois, il n’y avait plus de débat, plus de lieu de vie.

Jean-David Ciot, le 1er secrétaire avant la tutelle, a été mis en examen pour recel de détournements de fonds publics. Pour vous, aurait-il fallu qu’il démissionne ?
Quand on est un élu politique, on doit avoir des principes, on doit être responsable de ses actes devant tout le monde. Il aurait dû se mettre en retrait comme l’ont fait les grands leaders politiques à un moment donné.

Pensez-vous à Jean-Noël Guérini ?
J’ai dit les grands leaders ! Non, je pense à Jérôme Cahuzac. Quel acte plus beau que le sien ! Malgré ses compétences, il n’a pas hésité.

Le président du Conseil général, mis en examen, doit-il, selon vous, maintenant, se mettre en retrait ?
Je fais appel à l’intelligence de Jean-Noël Guérini – pour l’avoir côtoyé je sais qu’il en a parfois – afin de lui demander de prendre position clairement. Il est toujours temps de se mettre en retrait. Même s’il affirme qu’il ne démissionnera pas, il faut se garder de dire « fontaine, je ne boirai jamais de ton eau ».

La mise sous tutelle sonne-t-elle la fin d’un système ?
Je l’espère. Je crois qu’on est dans une belle période pour Marseille. Une nouvelle génération ne veut plus se laisser faire.

La fédération va-t-elle maintenant sortir de l’influence de Jean-Noël Guérini que vous dénoncez ?
J’ai confiance. J’ai vu ce qui en est sorti dans l’Hérault [Ndlr : la fédération PS, alors sous l’influence de Georges Frêche, a également été mise sous tutelle] : de nouvelles têtes, de nouveaux cadres, une nouvelle gouvernance transparente. Jusqu’ici, les gens pensaient : pourquoi s’embêter à faire la révolution puisqu’on n’est pas entendus ? Aujourd’hui, ils le sont. Je fais confiance aux militants pour saisir cette chance.

Tutelle ou non, beaucoup d’ambitions s’expriment chez les socialistes marseillais avant les municipales. Au risque de la division ?
C’est sûr que le débat est plus riche chez nous qu’entre les leaders de l’UMP. Force est de constater que d’un côté il y a les endormis, et de l’autre les réveillés. Ce n’est pas parce que nous avons des ambitions différentes qu’il y a forcément des clivages.

Croyez-vous, désormais, que des primaires équitables puissent avoir lieu ?
A la condition sine qua non que Christophe Borgel et Alain Fontanel (Ndlr : les deux responsables mandatés par Paris pour diriger la fédération) habitent à Marseille. Si on les surnomme Starsky et Hutch, c’est bien qu’ils ont compris ce dont la ville a besoin. Il faut assurer une transparence sur ces primaires, une équité entre tous les candidats et une réelle démocratie pour que les élections ne soient pas viciées.

Pourquoi doutez-vous, finalement, de la pertinence de primaires locales ?
Des milliers de citoyens se sont exprimés lors de la primaire aux présidentielles, ce ne sera pas le cas pour une élection municipale. Les barons locaux auront donc forcément plus de poids. J’ai peur que les primaires locales ne créent pas les conditions d’une dynamique réelle pour gagner Marseille. Si on sent qu’elles vont nous faire perdre des points, ne les faisons pas. Je n’ai pas peur de le dire.

Marie-Arlette Carlotti, Eugène Caselli, Patrick Mennucci, Samia Ghali, Henri Jibrayel sont déjà candidats à la candidature. Avez-vous fait un choix ?
J’aimerais que ce soit Marie-Arlette Carlotti. Elle est l’incarnation même de ce qu’attendent les Marseillais.

Elle est pourtant un produit typique du Guérinisme…
On est tous dans la même famille socialiste. Donc on s’y bat pour ses idées, pour ses valeurs avec les personnes avec qui l’on est… Ça ne nous empêche pas de dire qu’on est contre ces personnes ! Marie-Arlette Carlotti a clairement dit que Jean-Noël Guérini devait démissionner…

A droite, vos adversaires ne vont pas manquer d’argumenter sur le fait que ceux qui clament vouloir changer de système au PS, en sont tous issus…
Dans la fédération, les gènes comptent-ils toujours davantage que les idées ? Aurions-nous dû tous quitter le PS ? Ce parti, c’est le mien et il le restera.

Est-ce que la présence de Marie-Arlette Carlotti dans un gouvernement impopulaire ne risque pas, si elle est votre candidate, de se retourner contre elle ?
Non, ce sera un atout de vérité. Ça lui permettra de discuter, d’aller à la rencontre des citoyens pour expliquer pourquoi le gouvernement mène cette politique-là.

Marseille fait à nouveau la « Une » à la rubrique faits divers. Pour vous, la solution ne peut pourtant pas être que sécuritaire…
Si on ne donne pas de réponse aux centres sociaux, si on n’obtient pas des écoles qu’elles acceptent les enfants à partir de 2 ans, si on ne donne pas de solutions économiques dans les quartiers, nous n’y arriverons pas. Si on ne se pose pas la question de la légalisation du cannabis, nous risquons aussi de rester dans une impasse.

Le gouvernement mise sur une métropole pour aider Marseille. Et vous ?
Elle est vitale et nécessaire, et elle est le signe que tout va changer à Marseille. Cela permettra de relier la ville avec Aix-en-Provence, de raisonner à une échelle beaucoup plus grande, d’avoir une vision qui dépasse le petit bout de son nez. Ce projet de métropole se discute depuis des mois dans toutes les collectivités territoriales et n’a jamais été abordé une seule fois dans la fédération du PS !

Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Elsa Montbel