« J’espère que Tapie ne sera que notre Depardieu local »

janvier 2013 | PAR Michel Gairaud, Rafi Hamal
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Entretien en partenariat avec Radio Grenouille
Sébastien Barles, porte-parole d'EELV à Marseille, invité de la Grande Tchatche

Les écologistes, minoritaires dans la majorité, ne risquent-ils pas d’apparaître comme des auxiliaires impuissants du gouvernement socialiste ?
Europe Écologie – Les Verts veut être un aiguillon pour accélérer le changement, mais nous ne sommes pas, en effet, majoritaires. C’est donc un combat de tous les jours. On n’a pas encore réussi la conversion du PS vers l’écologie ! Nous conditionnons la suite de notre participation au gouvernement à la feuille de route de la loi de finances 2014.

L’équilibre est précaire…
La vie est un équilibre très précaire.

Le changement ne semble pas toujours pour « maintenant ».
Le rapport Gallois sur la compétitivité ne nous satisfait pas. Nous espérons toujours un changement plus radical sur de nombreux dossiers. Cécile Duflot cherche à faire enfin appliquer les lois de 1945 et 1998 sur la réquisition des logements vacants. La limitation du cumul des mandats doit s’appliquer en 2014…

Concernant l’expulsion des Roms, les associations ne voient rien de nouveau.
Certaines préfectures n’expulsent plus les campements Roms. Mais dans d’autres, en effet, comme dans les Bouches-du-Rhône, cela donne l’impression que le gouvernement n’a pas changé.

En temps de crise, l’écologie est-elle audible ?
La recherche de l’efficacité énergétique répond à l’urgence sociale : on baisse les dépenses des ménages tout en créant des centaines de milliers d’emplois non délocalisables ! Nos arguments portent dans les secteurs menacés par la désindustrialisation comme autour de l’étang de Berre où il faut anticiper la reconversion…

Que répondez-vous à ceux, à gauche comme à droite, qui pensent possible, un jour prochain, d’extraire proprement les gisements de gaz de schiste nombreux dans notre région ?
Qu’ils cherchent une véritable alternative à la fracturation hydraulique ! Nous ne sommes pas prêts à admettre le massacre paysager et environnemental que nécessite l’exploitation du gaz de schiste. Sans être obscurantistes ni opposés par principe à la recherche, nous pensons qu’il y a un choix à faire : soit développer vraiment les alternatives énergétiques, soit rester enfermé dans la logique des énergies fossiles. Dans ce cas, on ne se projette pas au-delà de vingt ans…

Le gouvernement a fait de Marseille une cause nationale. Au point de mettre la ville sous tutelle ?
Il a montré sa volonté d’aller sur le champ social, de ne pas se limiter à une réponse sécuritaire, en créant par exemple une deuxième École de la deuxième chance, en favorisant l’intégration à l’école des enfants de deux ans dans les zones défavorisées, les quartiers Nord.

Pourquoi défendez-vous la création d’une métropole ?
Nous sommes contre la métropole libérale de mise en concurrence des territoires. Mais nous croyons que la métropole est un outil dont on ne peut pas se priver dans un territoire atomisé où les richesses économiques sont à l’extérieur de Marseille qui porte pourtant toutes les charges de centralité.

Cela passe-t-il par la suppression des intercommunalités ?
C’est évident ! Elles favorisent une dérive clientélaire. Les agglomérations de droite ou de gauche qui s’insurgent défendent en réalité avant tout leurs intérêts corporatistes.

Comment expliquer que le maire de Marseille se montre lui aussi si peu enthousiaste ?
Il me semble qu’il y ait des élections sénatoriales dans quelques mois…

Vous participez au collectif des Gabians qui se propose de batailler « contre l’état de délitement de la gouvernance locale ». On en est là ? Un « délitement » ?
C’est un manifeste citoyen rédigé à plusieurs centaines de mains pour lancer un cri d’alerte sur l’état de la ville et élaborer un front du refus. Marseille est fracturée. Des secteurs entiers sont délaissés. Le système clientélaire est à l’agonie. L’arrosage ne peut plus durer car il n’y a plus les moyens d’acheter la paix sociale. Alors la menace remplace aujourd’hui souvent la gratification par un emploi ou un logement. Je l’ai vécu durant ma campagne pour les législatives.

Allez-vous jusqu’à parler de système mafieux ?
Quand les gamins d’une cité sont payés pour faire voter les gens, qu’on distribue des enveloppes, qu’on ne peut pas fermer l’isoloir parce qu’il y a complaisance de la part des présidents de bureaux de vote, on est effectivement dans un système assez perverti.

Continuez-vous à exiger la démission de Jean-Noël Guérini de la présidence du Conseil général car sinon, selon vous, « les échéances à venir seraient polluées » ?
Oui mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que même si Jean-Noël Guérini sort du champ politique, le système ne sera pas mort pour autant. Les héritiers de l’école de Gaston Deferre ont les mêmes pratiques.

Ils sont nombreux ! Comment allez-vous faire pour les prochaines élections ? Vous refuserez toute alliance avec des élus « guérinistes » ?
Ce sera l’une des conditions sans pour autant se livrer à une chasse à l’homme.

L’indignation des Gabians peut-elle tenir jusqu’en 2014, année électorale ?
Cela peut être un espace de convergence et de transformation de la ville.

Mais va se poser la question du leadership entre les écologistes, le Front de gauche, les représentants de la société civile qui se retrouvent dans les « Gabians ». Comment faire ?
Eh bien, on fera des primaires (rires) ! Si pour certains la démarche « partidaire » semble toujours plus sécurisante, je crois que dans le contexte très particulier de « fin d’un cycle » que connaît Marseille, nous pouvons renverser la table. L’expérience des « Gabians » participe à un réveil citoyen pour agiter le petit marigot local.

Il faudra bien incarner le rassemblement. Serez-vous candidat ?
Dans un secteur de la ville, probablement. Mais je ne serai pas tête de liste pour la mairie centrale !

Le marigot local, selon votre expression, s’est enrichi d’un nouveau crocodile, Bernard Tapie, patron de presse.
Il n’est jamais bon de voir une personne qui a été condamnée à plusieurs reprises par la justice s’emparer de l’organe de presse numéro 1 de la région. Il flotte un parfum de Berlusconisme qui n’est pas sain, un mélange des genres où règne l’argent roi. J’ose espérer que Bernard Tapie ne sera que notre « Depardieu » local. Qu’il se contentera d’amarrer son nouveau yacht aux portes de l’hôtel de ville, sans autre velléité, juste par pure provocation.