La Plaine sans frontières !

août 2020 | PAR Sébastien Boistel
La télé pirate Primitivi sort un film magistral, La bataille de la Plaine. Il sera projeté samedi 23 octobre à 18 heures au Gyptis à Marseille. A cette occasion, le Ravi participera à un débat sur le thème "occuper le terrain".

Chaque été, le ministère de la Culture dévoile la répartition du « fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité », ce million et demi d’euros d’aide à la presse et aux médias « pas pareils ». Pas de véritable surprise mais quelques couacs. Alors que l’enveloppe maximum est de 18 000 euros, la « télé de rue » Primitivi (comme Télé Mouche) n’a touché que 7 850 euros.

Pourtant, sans contestation possible, cette télé pirate qui fait partie des vétérans (elle existe depuis plus de vingt ans) coche toutes les cases de ce que le fonds exige pour prétendre à quelques subsides. Ce que confirme leur dernier film, La bataille de la Plaine, sur les résistances suscitées par les travaux d’aménagement de la plus grande (et plus belle) place de Marseille.

C’est peu dire qu’ils étaient attendus au tournant puisque la Plaine, c’est leur quartier et que ces travaux – qui n’en finissent pas de jouer les prolongations – déchainent encore et toujours les passions. Le temps qu’ils ont mis à monter le film n’a pu que nourrir les attentes. Mais la plus belle démonstration, ils l’ont livrée fin juin !

Le déconfinement est tout frais, Rubirola pas encore là et la place toujours en chantier. Petit à petit – et qu’importe si ça grogne – la vie renaît sur cet espace où les aménageurs en chef pensaient gommer les habitants en changeant de revêtement. Ce soir-là, près d’un millier de personnes s’installent pour une projection pirate comme seule Primitivi en a le secret. Un écran géant artisanal est érigé tandis que Niet éditions distribue le petit recueil de photos de Tomagnetik qui porte le même nom que le film.

Jeunes, vieux, habitants du quartier ou habitués, nous voilà à revivre ces batailles auxquelles on a participé, à revoir des épisodes parfois douloureux : arbres coupés, collègues gazés ou arrêtés… Et un mur de béton de s’élever autour d’un des chantiers les plus controversés de cette municipalité incapable d’empêcher les immeubles de s’effondrer.

Alors, La bataille de la Plaine, un simple film « doudou » pour initiés un peu nostalgiques qui ne fait que raconter la chronique d’une défaite annoncée ? C’est tout le contraire. Pas question de « spoiler ». Mais Primitivi a su capter et magnifier l’énergie qui existe dans ce quartier et, au-delà, cette ville. Car, bien après qu’ils aient imaginé une « Commune » à la Peter Watkins, la mobilisation pour la Plaine a naturellement rencontré la colère face aux effondrements à Noailles et connaîtra des prolongements avec les gilets jaunes, une matière dans laquelle Primitivi n’a eu qu’à puiser.

A l’instar de La fête est finie et à l’image du reste de sa production, cette télé de rue rend compte et décrypte avec minutie les mobilisations urbaines. Et, comme ces problématiques sont loin d’être uniquement phocéennes, invite les amateurs à faire voyager le film au-delà des frontières marseillaises (1). Une manière de répondre au ministère de la Culture qui a cru bon n’accorder que le « lot de consolation » à une des plus belles expériences cathodiques qui existe dans la galaxie des médias « pas pareils »…

1. Pour connaître toutes les modalités, labataille.primitivi.org