Marseille meurtrière

août 2020 | PAR Michel Gairaud

C’est un massacre raciste tombé dans les oubliettes : en 1973, une cinquantaine d’Algériens sont assassinés dont près de la moitié à Marseille. Le roman de Dominique Manotti documente, avec la rigueur coutumière de cette ancienne historienne, toute une époque, où, dans le sillage de la guerre d’Algérie et du gaullisme finissant, les anciens barbouzes revanchards de l’OAS sont recyclés dans les rangs de la police. Marseille 73 est avant tout un polar efficace, servi par une plume sèche inspirée des maîtres américains du genre. On y retrouve le commissaire Daquin, 27 ans, récemment débarqué dans la ville qui était déjà le héros de L’or noir, alors confronté aux dessous du marché pétrolier. Avec lui, l’auteur nous plonge dans les méandres de l’Évêché, l’hôtel de police marseillais, où Pieds-Noirs, Corses, police judiciaire et urbaine, jouent une course où la recherche de la vérité est rarement la priorité. Violence, haine, racisme, lâcheté, compromission : noir c’est noir ! Heureusement le treizième polar de Manotti, dopé par l’énergie déployée par son héros pour franchir les obstacles, met aussi en lumière le combat des travailleurs arabes, épaulés par les associations de soutien aux migrants, afin de revendiquer leurs droits. Ainsi que la lutte de la famille – meurtrie, digne et déterminée – de Malek, 16 ans, abattu sans sommation. Pour que justice soit faite.

Marseille 73, par Dominique Manotti, éditions Equinox – Les Arènes, 384 pages, 20 euros.